jeudi 30 novembre 2017
Où diable est l’hésitation ? Pour en trouver trace il faut ne comprendre ni le huparcheï du début (qui indique une habitation, une appartenance de nous à cette hôte divin, plus nous que nous), ni le endéchétaï que j’ai traduit par « avoir la grâce » puisque s’y indique ce qui est accordé et peut être reçu. Qui ne voit qu’il y a deux mouvements, l’un par quoi l’animal humain est politique, et politique la vertu que cette nature rend possible depuis les hymnes, les mythes et les fables ; l’autre par quoi l’homme ainsi élevé rencontre, a chance ou grâce de rencontrer la part divine qui apparaît alors comme son être par excellence ? Comment ces deux mouvements se rejoignent en un point de telle vie, et peut-être longtemps se gênent par leur présence ou leur ombre réciproques, est un autre problème. Un problème insoluble, je le crois, pour Aristote, qui dans le monde païen est pourtant allé aussi loin que possible : notre part « divine » peut être recherchée analogiquement dans le composé (le sunthéton) du texte ci-dessus. Mais comment sera-t-il reconnu tel, ce divin, si le dieu ne descend pas vers et lui et n’annonce pas, ensemble, qu’il est le dieu, et que cela (cette part surhumaine de l’homme) est en effet divin ? La contemplation n’est décrite comme une vie pour l’homme que par la croyance que les dieux « vivent » (…). Mais comment savons-nous que vivent les dieux ? Tant qu’ils ne se sont pas révélés, que nul d’entre eux n’est venu dire : « Je suis la vérité et la vie », tant qu’il ne nous a pas été annoncé que le Logos était au commencement, et le Logos était auprès de Dieu, et le Logos était Dieu, nous demeurons dans l’hypothèse de la vie divine. Il apparaîtra un jour monstrueux, et même diabolique, que l’Église catholique ait accepté d’abolir dans sa messe, dans la pratique où l’animal humain rappelle et renouvelle le sacrifice qui le fait accéder au divin, la lecture de ces premiers mots de l’Évangile de Jean. A-t-on eu peur que la formidable annonce de ce qu’Aristote a eu le malheur d’ignorer encore (qu’il eût répété comme un enfant, parce qu’enfin y étaient réunis, à partir de Dieu même, cette archê, ce logos, et ce théos autour desquels sa pensée avait tourné sans certitude), oui, a-t-on eu peur qu’elle dérangeât la vie selon le monde et empêchât un peu de se conformer à lui ?"
mercredi 29 novembre 2017
Il ne faut donc pas écouter les gens qui, sous prétexte que nous sommes des hommes, et qui meurent...
Pierre Boutang glose sur l’éthique d’Aristote :
"Le divin est aussi ce dont Aristote ne peut s’empêcher de parler, au risque des accusations de se contredire, qui n’ont pas manqué (mais qu’importe, puisque son meilleur lecteur, Thomas, ne s’est pas joint au concert !). (…) La morale n’est ni pour le dieu ni pour la bête ; mais l’homme est animal et divin ; déjà avec les vertus « politiques », ce qu’il a d’animal est apte à se relier au logos ; le Traité de l’âme suggère que, tout animale qu’elle soit, l’âme de l’homme est d’une bête différente, par le voisinage de ce logos qui est en lui. (…) L’excellent Léon Robin voyait là des « hésitations » d’Aristote. (…) C’est, respectueusement soit dit, prendre le Stagirite pour un niais. C’est préférer de petits tiroirs grinçants à la claire énonciation du philosophe : « Une telle existence pourrait être bien meilleure que selon l’homme même, car l’homme n’y vivra plus en tant qu’homme, mais en tant qu’en lui habite quelque chose de divin ; et, autant que ce quelque chose diffère de ce qui se compose, autant son énergie diffère de celle que montre toute autre vertu. Si donc l’esprit est chose divine par rapport à l’homme, la vie selon l’esprit est divine en regard de celle qui n’est qu’humaine. Il ne faut donc pas écouter les gens qui, sous prétexte que nous sommes des hommes, et qui meurent, nous conseillent de n’avoir de pensées que mortelles et humaines. Il nous faut, au contraire, autant que la grâce nous est donnée, nous démortaliser, et faire tout pour vivre selon ce que nous avons de plus fort en nous-mêmes ; car cela, sans faire de volume, surpasse tout le reste en puissance et en gloire. » Où diable est l’hésitation ?"
J'essaie de vous donner la suite de ce commentaire au plus tôt. - Au plaisir !
mardi 28 novembre 2017
Il y a des inégalités.
La citation de Pierre Boutang que voici est dirigée contre l’idée qu’à l’époque (1981) il se fait, à tort ou raison, de la Nouvelle droite. L’intérêt, outre la précision étymologique qui s’y trouve, est de rappeler quelques fondamentaux d’une pensée conservatrice et réaliste qui refuse le cynisme :
"C’est, oui, une leçon politique d’inégalité que donne La Fontaine, à la suite d’Aristote. Mais rien dans les Fables, ni dans l’enseignement contre-révolutionnaire qui y va justement puiser, ne suggère que l’accroissement de l’inégalité, ni sa conservation religieuse et sacrée soient des biens. Il y a des inégalités, parce qu’il y a des fonctions et des différences ; il y a des autorités, de naissance ou d’expérience, parce que l’accroissement (ce que veut dire auctoritas [ici un appel de note, je vous la reproduis ci-après, note de AMG]) d’une communauté, exige un regard situé, ou exercé de manière à le procurer : tantôt parce que « il en faut un », tantôt parce que « c’est le meilleur »."
Et la note : "Auctoritas qui a donné notre autorité vient de augere, accroître. L’augure romain tient son prestige de l’accroissement qu’il permet aux entreprises de ceux qui croient en son pouvoir d’interprétation."
Attention au champ lexical employé, cela ne fait pas de Macron un Jupiter, mais cela rappelle qu’il y a dans l’autorité d’une part de la réciprocité - il faut que cette autorité apporte quelque chose à ceux qui sont commandés - et d’autre part du prestige - l’autorité fonctionne aussi - pas seulement - parce qu’on y croit.
lundi 27 novembre 2017
Dieu (et Chesterton) sont spécistes. Ils ont évidemment raison.
"Il y a entre l’homme et les animaux une différence non pas de degré mais d’espèce. La preuve, c’est qu’il est banal de dire que l’homme le plus primitif a dessiné un singe, tandis qu’il est comique de dire que le plus intelligent des singes a dessiné un homme."
L’argument se suffit à lui-même, mais il n’est sans doute pas inutile de citer un autre passage, d’autant qu’en son début il ne dit pas autre chose que certains antispécistes ou anti-humanistes furieux : la planète se débrouillerait aussi bien sans l’homme, il y est une espèce, c’est le cas de le dire, de pièce rapportée. Les conclusions ensuite divergent, mais on fera remarquer que, de même que les malthusiens (merci à K. H. pour cette idée), dont ils sont proches, les contempteurs de l’humanité ne poussent pas le sens de la logique jusqu’à se supprimer eux-mêmes, que ce soit pour lutter contre la surpopulation ou pour protéger la planète. (Dans un même ordre d’idées, d’une façon je dirais plus légère, Ronald Reagan, je l’ai lu ce jour, remarquait que "tous ceux qui sont en faveur de l’avortement sont déjà nés.") Ceci étant remarqué, place à Gilbert Keith :
"Or, donc, la plus simple des constatations que l’on puisse faire sur l’être humain, et qui les englobe toutes, est qu’il n’existe pas d’être plus étrange, ni, pour ainsi dire, plus étranger sur la terre. On ne dirait nullement qu’il y est né, mais qu’il arrive de voyage, porteur de l’air et des manières d’un monde différent. Inférieur et supérieur à la fois à sa condition, il n’est nulle part à l’exacte hauteur des circonstances. Ni sa peau naturelle ne suffit à lui tenir chaud, ni ses instincts naturels ne parviennent à régler sa conduite. Créateur aux doigts enchantés, il est aussi une sorte d’infirme affligé de bandages qui sont ses vêtements et de béquilles qui sont ses meubles. Son esprit souffre des mêmes libertés incertaines et des mêmes strictes limites. Seul d’entre les animaux, le rire bienfaisant lui verse sa folie magnifique : l’on dirait parfois qu’il a discerné dans la structure des choses un secret particulièrement réjouissant et qu’il garde pour lui ; mais, seul aussi d’entre les animaux, il éprouve le besoin douloureux de détourner sa pensée des réalités essentielles de sa personne physique et de les dissimuler comme si de hauts pressentiments l’initiaient au mystère de sa honte…
Selon notre humeur, nous verrons dans ces traits l’honneur de la nature humaine ou un outrage fait à la nature tout court ; mais force nous sera de les tenir pour uniques, d’accord sur ce point avec l’instinct populaire appelé religion, et en allègre désaccord avec les sophistes, naturistes et autres gymnosophistes [féministes radicaux, antispécistes, indifférencialistes de tous poils…, note de AMG].
Car il faut être dénaturé pour considérer l’homme comme un objet naturel ; c’est pécher contre l’esprit que d’en faire un animal, contre cet esprit de réalité qui est fait du sens des proportions. Et je suis encore bon de dire « dénaturé »…"
Certes ! Je note pour finir, avant d’aller préparer le dîner familial, que cette remarque sur le sens des proportions est de portée générale. Exemple pris au hasard : ceux qui comparent la situation faite aux Juifs en France dans les années 30 et 40 (comme si c’était la même en 1936 et en 1942, d’ailleurs…) et celle des Arabes dans la France actuelle. - Encore une fois, si ces aberrations étaient sans conséquences, elles seraient seulement risibles.
(Au passage : plus certains s’éloignent des dogmes et ou principes chrétiens, et plus nous pouvons constater que cet éloignement a des conséquences pratiques. Le thème du jour en est un exemple. J’évoquerai à l’occasion, si je trouve la citation idoine, le redoutable sujet de la Virginité de Marie, on rigolera.)
dimanche 26 novembre 2017
Abel reprend la main.
"L’extension illimitée du capitalisme dénonce une société qui ne se trouve pas assez existante pour lui résister. Ce n’est pas qu’elle n’ait ni esprit ni âme, mais elle n’a qu’une âme de survivance et qu’un esprit de raccroc. C’est la société libérale. La société libérale semble tout permettre à l’homme mais, en fait, ruine toutes les conditions par quoi il peut être. Elle ouvre des perspectives immenses à un homme abstrait et tranche les racines de l’homme réel. Elle ne vit pas sur ses principes, mais sur le fonds que lui a laissé la société précédente (religion, vertus militaires et professionnelles, chevalerie.)"
Et ce fonds s’éloigne de plus en plus. Pas nécessairement de façon linéaire depuis que Bonnard a écrit ces lignes, mais c’est le mouvement actuel. J’aime bien par ailleurs ces intuitions sur la façon dont une société fonctionne grâce à autre choses que ces, pour employer un mot à mode, « valeurs ». On trouve de ces approches sociologiques intelligentes chez Péguy, Gauchet, Castoriadis.
samedi 25 novembre 2017
Un petit nouveau à mon comptoir.
"Il oubliait aussi que la justice sociale est une bataille qui se gagne chaque jour, qu'elle exige un amour infini et une attention infinie, qu'il faut une surveillance de tous les instants pour défendre celui qui travaille contre celui qui est riche et qu'on peut pas se contenter des rapports des préfets."
"Nous avons à nous sauver chaque jour et nous aurons à nous sauver chaque jour : en cela les peuples sont comme les chrétiens."
Maurice Bardèche. - "Il", c'est Benito.
"Nous avons à nous sauver chaque jour et nous aurons à nous sauver chaque jour : en cela les peuples sont comme les chrétiens."
Maurice Bardèche. - "Il", c'est Benito.
vendredi 24 novembre 2017
Des rapports de la nature et de la culture. - Abel Bonnard. - Sec.
"La politesse rend l'homme montrable."
jeudi 23 novembre 2017
"Car on ne saurait trop le redire. Tout le mal est venu de la bourgeoisie.
Toute l’aberration, tout le crime. C’est la bourgeoisie capitaliste qui a infecté le peuple. Et elle l’a précisément infecté d’esprit bourgeois et capitaliste.
Je dis expressément la bourgeoisie capitaliste et la grosse bourgeoisie. La bourgeoisie laborieuse au contraire, la petite bourgeoisie est devenue la classe la plus malheureuse de toutes les classes sociales, la seule aujourd’hui qui travaille réellement, la seule qui par suite ait conservé intactes les vertus ouvrières, et pour sa récompense la seule enfin qui vive réellement dans la misère. Elle seule a tenu le coup, on se demande par quel miracle, elle seule tient encore le coup, et s’il y a quelque rétablissement, c’est que c’est elle qui aura conservé le statut.
Ainsi les ouvriers n’ont point conservé les vertus ouvrières, et c’est la petite bourgeoisie qui les a conservées.
La bourgeoisie capitaliste par contre a tout infecté. Elle s’est infectée elle-même et elle a infecté le peuple, de la même infection. Elle a infecté le peuple doublement ; et en elle-même restant elle-même ; et par les portions transfuges d’elle-même qu’elle a inoculées dans le peuple.
Elle a infecté le peuple comme antagoniste ; et comme maîtresse d’enseignement.
Elle a infecté le peuple elle-même, en elle-même et restant elle-même. Si la bourgeoisie était demeurée non pas tant peut-être ce qu’elle était que ce qu’elle avait à être et ce qu’elle pouvait être, l’arbitre économique de la valeur qui se vend, la classe ouvrière ne demandait qu’à demeurer ce qu’elle avait toujours été, la source économique de la valeur qui se vend.
On ne saurait trop le redire, c’est la bourgeoisie qui a commencé à saboter et tout le sabotage a pris naissance dans la bourgeoisie. C’est parce que la bourgeoisie s’est mise à traiter comme une valeur de bourse le travail de l’homme que le travailleur s’est mis, lui aussi, à traiter comme une valeur de bourse son propre travail."
Péguy, 1913.
mercredi 22 novembre 2017
Peut-être le jeu des partis...
"Et alors il faut être juste, tout de même. Quand on veut comparer un ordre à un autre ordre, un système à un autre système, il faut les comparer par des plans et sur des plans du même étage. Il faut comparer les mystiques entre elles ; et les politiques entre elles. Il ne faut pas comparer une mystique à une politique ; ni une politique à une mystique. Dans toutes les écoles primaires de la République, et dans quelques-unes des secondaires, et dans beaucoup des supérieures on compare inlassablement la politique royaliste à la mystique républicaine. Dans l’Action française tout revient à ce qu’on compare presque inlassablement la politique républicaine à la mystique royaliste. Cela peut durer longtemps.
On ne s’entendra jamais. Mais c’est peut-être ce que demandent les partis.
C’est peut-être le jeu des partis."
Péguy, Notre jeunesse. La suite immédiate, où Péguy émet sa fameuse thèse, que reprendra Bernanos, selon laquelle la Révolution française est une oeuvre de l'Ancien Régime, mériterait une ample discussion. On y retrouverait d'ailleurs des thèmes tout à fait actuels : franc-maçonnerie, complotisme, sociétés secrètes, ingérence de l'étranger, usure du pouvoir, décadence, etc. Je me contente de cet éloquent éclairage d'ordre logique pour ce soir.
mardi 21 novembre 2017
"Il faut qu'il fasse du latin...
...avait-il dit : c'est la même forte parole qui aujourd'hui retentit victorieusement en France de nouveau depuis quelques années. Ce que fut pour moi cette entrée dans cette sixième (...), l'étonnement, la nouveauté devant rosa, rosae, l'ouverture de tout un monde, tout autre, de tout un nouveau monde, voilà ce qu'il faudrait dire, mais voilà ce qui m'entraînerait dans des tendresses. Le grammairien qui une fois la première ouvrit la grammaire latine sur la déclinaison de rosa, rosae n'a jamais su sur quels parterres de fleurs il ouvrait l'âme de l'enfant. Je devais retrouver presque tout au long de l'enseignement secondaire cette grande bonté affectueuse et paternelle, cette piété du patron et du maître que nous avions trouvée chez tous nos maîtres de l'enseignement primaire. (...) Cette grande bonté, cette grande piété descendante de tuteur et de père, cette sorte d'avertissement constant, cette longue et patiente et douce fidélité paternelle, un des tout à fait plus beaux sentiments de l'homme qu'il y ait dans le monde, je l'avais trouvée tout au long de cette petite école primaire annexée à l'école normale d'instituteurs à Orléans."
Péguy. Je ne veux pas trop commenter, Péguy est un auteur souvent à la limite du pompeux et du lourd - ce n'est pas une critique, au contraire, puisque justement il ne dépasse pas, ou rarement, cette limite : mais si je m'en mêle, je ne vais pas rendre service à ce texte superbe, qui dessine en contrepoint tout ce qui manque à notre éducation actuelle. Une seule remarque : il est difficile de ne pas trouver significatif que dans le même paragraphe soient évoqués le rôle initiatique du latin et la bonté de la fonction paternelle.
(Par ailleurs, si je n'ai hélas jamais fait de latin, j'ai eu de mon côté une merveilleuse professeur de grec en seconde et première, Mademoiselle Lechevalier - à son âge, proche de la retraite, elle tenait à ce "mademoiselle" - nous n'avons bien sûr jamais osé lui demander pourquoi. Ma fille de bientôt 16 ans m'a montré hier son diplôme officiel du Brevet, elle y est désignée comme "Madame". - Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font...)
lundi 20 novembre 2017
"Les Arabes sont tous des merdes..."
"Les Arabes sont tous des merdes qui se laissent écraser par le talon américano-israélien, pensant sans doute que ça leur porte bonheur ! Des bouses de lâches je vous dis, soumis jusqu'au fin fond du trognon, obtus et bouchés de nature, si bouchés qu'ils ne peuvent admirer que celui qui les encule."
Marc-Édouard Nabe, p. 339 des Porcs. Je repensais à cette phrase en regardant la dernière vidéo (Porcs in progress, j’en ai vu 1h15 à l’heure où j’écris) postée par l’auteur sur son site, notamment lorsqu’à la 57e minute il regrette que les musulmans ne lui soient pas reconnaissants des combats qu’il mène pour eux. Qu’il soit difficile de dialoguer avec eux, même quand on fait 25 fois le premier pas, ce n’est pas nouveau, à part les homosexuels qui ont leurs voies propres de rencontre et de dialogue, le monde entier a pu le constater. Et qu’"ils ne comprennent que la force", c’est un lieu commun des méchants Français colonisateurs que M.-É. Nabe brocarde à plusieurs reprises dans son livre : c’est pourtant ce que lui-même écrit. En langage plus fleuri et plus amusant, certes.
dimanche 19 novembre 2017
"Cette irréductibilité n’est pas la liberté."
"S’il est une idée maîtresse de la France classique, qu’elle succombe à la tentation cartésienne ou qu’elle demeure aristotélicienne et thomiste, elle tient au désir, insistant depuis l’origine, sans cesse purifié par ses échecs, qu’a l’homme d’être soi-même, c’est-à-dire d’exister selon son type. Les inégalités de nature et de condition donnent un contenu concret à ce désir, sans en altérer la forme universelle. Être soi ne va pas de soi pour l’homme : il y faut de la chance et de l’application."
En note, après "exister selon son type", Pierre Boutang (qui surestime peut-êre le rôle du thomisme dans la France classique, soit dit en passant) ajoute ces précisions :
"Vérité imbattable du type, que corrige la réalité de la substance individuelle. Toute la science, selon Aristote, se fonde sur les « substances secondes » qui ne sont pas de « réelles » substances, mais qui peuvent être « dites » de l’individu, sans être dans l’individu. De sorte que l’universalité se construit sur la singularité irréductible. Cette irréductibilité n’est pas la liberté : mais tout système qui la résorbe (Hegel, par exemple, avec son universel concret) rend la liberté, et la transcendance de l’homme impossibles."
samedi 18 novembre 2017
La Fontaine nous dit notre fait.
Que d'échos contemporains dans cette fable, Les compagnons d'Ulysse. J'ai supprimé le préambule et la conclusion, adressées au Duc de Bourgogne, pour ne garder que le récit lui-même.
"Les compagnons d'Ulysse, après dix ans d'alarmes,
Erraient au gré du vent, de leur sort incertains.
Ils abordèrent un rivage
Où la fille du dieu du jour,
Circé, tenait alors sa cour.
Elle leur fit prendre un breuvage
Délicieux, mais plein d'un funeste poison.
D'abord ils perdent la raison ;
Quelques moments après, leur corps et leur visage
Prennent l'air et les traits d'animaux différents :
Les voilà devenus ours, lions, éléphants ;
Les uns sous une masse énorme,
Les autres sous une autre forme ;
Il s'en vit de petits : Exemplum, ut talpa.
Le seul Ulysse en échappa ;
Il sut se défier de la liqueur traîtresse.
Comme il joignait à la sagesse
La mine d'un héros et le doux entretien,
Il fit tant que l'enchanteresse
Prit un autre poison peu différent du sien.
Une déesse dit tout ce qu'elle a dans l'âme :
Celle-ci déclara sa flamme.
Ulysse était trop fin pour ne pas profiter
D'une pareille conjoncture :
Il obtint qu'on rendrait à ces Grecs leur figure.
"Mais la voudront-ils bien, dit la Nymphe, accepter?
Allez le proposer de ce pas à la troupe."
Ulysse y court, et dit : "L'empoisonneuse coupe
A son remède encore ; et je viens vous l'offrir :
Chers amis, voulez-vous hommes redevenir ?
On vous rend déjà la parole."
Le lion dit, pensant rugir :
"Je n'ai pas la tête si folle;
Moi renoncer aux dons que je viens d'acquérir !
J'ai griffe et dent, et mets en pièces qui m'attaque.
Je suis roi : deviendrai-je un citadin d'Ithaque,
Tu me rendras peut-être encor simple soldat :
Je ne veux point changer d'état."
Ulysse du lion court à l'ours : "Eh! mon frère,
Comme te voilà fait ! je t'ai vu si joli !
- Ah! vraiment nous y voici,
Reprit l'ours à sa manière :
Comme me voilà fait ? comme doit être un ours.
Qui t'a dit qu'une forme est plus belle qu'une autre ?
Est-ce à la tienne à juger de la nôtre ?
Je me rapporte aux yeux d'une ourse mes amours.
Te déplais-je ! va-t'en ; suis ta route et me laisse.
Je vis libre, content, sans nul soin qui me presse ;
Et te dis tout net et tout plat :
Je ne veux point changer d'état."
Le prince grec au loup va proposer l'affaire ;
Il lui dit, au hasard d'un semblable refus :
"Camarade, je suis confus
Qu'une jeune et belle bergère
Conte aux échos les appétits gloutons
Qui t'ont fait manger ses moutons.
Autrefois on t'eût vu sauver sa bergerie :
Tu menais une honnête vie.
Quitte ces bois, et redeviens,
Au lieu de loup, homme de bien.
- En est-il ? dit le loup : pour moi, je n'en vois guère,
Tu t'en viens me traiter de bête carnassière ;
Toi qui parles, qu'es-tu? N'auriez-vous pas, sans moi,
Mangé ces animaux que plaint tout le village?
Si j'étais homme, par ta foi,
Aimerais-je moins le carnage?
Pour un mot quelquefois vous vous étranglez tous :
Ne vous êtes-vous pas l'un à l'autre des loups?
Tout bien considéré, je te soutiens en somme
Que, scélérat pour scélérat,
Il vaut mieux être un loup qu'un homme :
Je ne veux point changer d'état."
Ulysse fit à tous une même semonce.
Chacun d'eux fit même réponse,
Autant le grand que le petit.
La liberté, les bois, suivre leur appétit,
C'était leurs délices suprêmes ;
Tous renonçaient au lot des belles actions.
Ils croyaient s'affranchir suivants leurs passions,
Ils étaient esclaves d'eux-mêmes."
La régression qui passe pour un progrès, le relativisme moral et esthétique ("Qui t'a dit qu'une forme est plus belle qu'une autre ?"), la critique de l'espèce humaine ("Si j'étais homme, par ta foi, /Aimerais-je moins le carnage?"), critique non injustifiée sans doute, comme alibi au refus de sortir de soi-même, à la renonciation à la possibilité de faire de "belles actions"... On infère de l'évidence du mal dans l'homme le refus, pour soi, de faire le bien. - Tout est là !
vendredi 17 novembre 2017
Mieux vaut la vérole que le métissage... (Pierre Boutang)
"Toutefois, la prime règle est de savoir quand et pourquoi le prêche est inutile ou grotesque : Montaigne avertit que « maints écoliers ont pris la vérole avant d’être arrivés à la leçon d’Aristote sur la tempérance » - or Aristote prévient que l’enseignement de l’éthique - il n’a pas forcément pour objet d’empêcher les écoliers de prendre la vérole - ne commence que sur le fond d’une païdeïa, d’une préalable éducation ; là un jeune homme à l’écoute de ses passions, ou le vieillard qui leur court après, sont également inaptes à la réflexion sur le souverain bien. La païdeïa préliminaire est institution d’habitudes, une fois obtenue la première sortie hors de la vie « pathique », où l’on va à la chasse de toutes les singularités qui se présentent à la suite. Bon ! Qui va accrocher ce grelot, conduire à « la poïétique et pratique des désirs selon quelque rapport » ? Sûrement pas le philosophe, avec ses déterminations univoques ; on ne part pas de principes, on vise à en établir ; le commencement est dans le fait, dans une société donnée, pourvu qu’elle soit conforme à la physis. « Empirisme assez étonnant », commentait l’un des meilleurs traducteurs de l’Éthique [à Nicomaque, bien sûr ; le traducteur est Jean Voilquin, note de AMG]. Non, car l’expérience invoquée comme terrain originel est celle de la société qui se veut païdeïa, se construit dans la transmission de ses mythes fondateurs ou salutaires. Comment la conformité à la physis, la bonne qualité des traditions transmises dès l’enfance se prouvent-elles ? Elles ne se prouvent pas : l’aventure est inévitable, que Platon rejetait, qu’Aristote doit accepter joyeusement ; la tragique rupture avec son élève Alexandre tient à ce choix : lorsque le héros choisit le métissage pour son empire universel, le maître reconnait là le renoncement à la païdeïa grecque comme fonds de la morale et de la politique. Est-ce un retour à l’héroïque par la voie personnelle et divine ? Est-ce la dévalorisation de toute particularité par référence à l’homme-dieu ? Dans les deux cas, plus d’éthique à rejoindre à partir du fait hérité qui fondait toute société, toute politique jusque-là. Si Alexandre avait. conduit au terme son oeuvre géniale, son passage à l’homme universel posé dès l’enfance comme n’importe qui, la sophistique aurait intellectuellement nourri son rêve, que le stoïcisme reprend au coeur de l’échec. Le Stagiritte ne pouvait que s’étonner et refuser : « Il faut déjà être fait aux bons usages pour entendre parler avec profit du beau, du juste, et globalement de la politique », dit-il au chapitre 4 du premier livre. Non par hasard enchaîne-t-il sur Hésiode, quatre vers des Travaux et les Jours, sur la sagesse docile au conseil, et la folie de qui ne grave pas en son coeur les paroles d’autrui. La langue des hymnes et des fables, point le mélange adultère des peuples, est pour lui l’archê de toute morale."
La difficulté avec Pierre Boutang, en-dehors de ses coquetteries de style, ses ellipses, ses incises, son grec ou latin pas toujours traduit pour le profane, la difficulté, c’est que son travail consiste souvent à fonder philosophiquement ce qui relève de la loi naturelle. D’où une lecture ardue, pour un résultat qui peut parfois paraître, à l’arrivée, quelque peu banal : ce n’est pourtant justement pas le résultat qui compte - Boutang n’a jamais caché qu’il était chrétien… - mais sa démonstration. Et bien sûr, si on achoppe sur la démonstration en question, on risque de rester sur sa faim. On peut préférer un Chesterton, qui dans un même but emprunte un chemin à la fois moins escarpé et plus divertissant, celui des paradoxes. - Un passage comme celui-ci me semble cependant éclairant, notamment grâce et par son recours à la philosophie païenne d’un Aristote. (Nous y reviendrons !)
jeudi 16 novembre 2017
Joseph de Maistre, pas cité ici depuis longtemps.
Certes, à ce degré de généralité, on peut ou non emporter la conviction, mais cela n’entame en rien la beauté de l’incipit de l’Éclaircissement sur les sacrifices :
"Je n’adopte point l’axiome impie :
La crainte dans le monde imagina les dieux.
Je me plais au contraire à remarquer que les hommes, en donnant à Dieu les noms qui expriment la grandeur, le pouvoir et la bonté, en l’appelant le Seigneur, le Maître, le Père, etc., montraient assez que l’idée de la divinité ne pouvait être fille de la crainte."
mercredi 15 novembre 2017
Il n'y a pas de culture gay, pas de culture féminine, féministe...
"Il n'y a pas de culture socialiste, pas de culture bourgeoise, puisque la culture consiste précisément à échapper à la classe sociale, à la définition sociale de nous-mêmes, par une extension de notre valeur humaine. On se sauve par le plafond. Mais il y a des sociétés qui favorisent cette liberté, ou qui la permettent, ou qui la gênent, ou qui la suppriment."
(A. Bonnard) - Où l'on constate une fois de plus que notre société s'emmêle les pinceaux avec le concept d'universalité : elle veut supprimer toute notion d'enracinement national (c'est-à-dire culturel), qui serait une forme d'impérialisme et d'hypocrisie, mais pour mieux nous enchaîner à des déterminismes animaux/bestiaux, par la sexualité ou par la race - ce n'est par ces voies que l'on va retrouver quelque forme que ce soit d'universalité ! - Où l'on voit que la situation s'est aggravée depuis que Bonnard écrivait (dans les années 30 sans doute, je n'ai pas la date exacte de ce fragment) : à son époque les progressistes travaillaient, si j'ose dire, sur la culture. Au lieu qu'ils veulent aujourd'hui supprimer cette culture et nous ramener à la nature, laquelle chez eux se confond avec l'animalité. En marche !
(A. Bonnard) - Où l'on constate une fois de plus que notre société s'emmêle les pinceaux avec le concept d'universalité : elle veut supprimer toute notion d'enracinement national (c'est-à-dire culturel), qui serait une forme d'impérialisme et d'hypocrisie, mais pour mieux nous enchaîner à des déterminismes animaux/bestiaux, par la sexualité ou par la race - ce n'est par ces voies que l'on va retrouver quelque forme que ce soit d'universalité ! - Où l'on voit que la situation s'est aggravée depuis que Bonnard écrivait (dans les années 30 sans doute, je n'ai pas la date exacte de ce fragment) : à son époque les progressistes travaillaient, si j'ose dire, sur la culture. Au lieu qu'ils veulent aujourd'hui supprimer cette culture et nous ramener à la nature, laquelle chez eux se confond avec l'animalité. En marche !
mardi 14 novembre 2017
Gestapette n'était pas une fiotte.
"Solon disait déjà, dans un discours cité par Diodore de Sicile, que les grands hommes perdent les États. On peut prêter plus d’un sens à cette parole. Sans doute, l’activité du génie fait toujours un spectacle sublime. Mais un grand homme, quand il est isolé, sans tradition, sans prédécesseurs directs, ne laisse pas d’avoir quelque chose de dangereux pour le pays sur lequel il exerce ses dons de virtuose. En vérité, ce n’est pas par un homme qu’une nation se sauve le mieux, mais par des hommes. Rien n’assure et ne perpétue davantage la puissance et la prospérité d’un État qu’une élite organisée, attachée à sa fonction, fidèle à son idéal, et qui, se renouvelant sans cesse, jouissant d’une expérience toujours accrue, dure à travers les temps comme une personne immortelle. Il suffit, pour faire foi de cette vérité, de rappeler l’histoire de Rome et celle de Venise, celle de l’Angleterre, celle du Japon. Un grand homme est parfois entraîné par son génie même hors de l’ordre politique. Une élite y reste toujours ; elle n’est pas égarée par des fantaisies individuelles ; rien ne la distrait de son labeur. Qu’un grand homme se produise alors, il ne fait qu’achever la pyramide. Qu’il ne se présente point, on peut dire que c’est la réussite même de ces élites, dévouées à leur tâche austère, de n’avoir pas besoin de ce magnifique recours.
Il y a une différence considérable entre le fait de vouloir être sauvé par un homme ou par des hommes : dans le premier cas, il s’agit d’une attente paresseuse et inerte ; dans le second, d’une recherche active et d’une réforme que chacun de nous peut commencer sur soi-même. Un grand homme tombe du ciel ; des hommes montent des profondeurs d’une nation."
La seule et vraie réforme, c’est la réforme de soi-même !
Le Français d’un Bonnard, c’est comme une langue étrangère que l’on entend souvent mais que l’on n’a jamais vraiment apprise ni pratiquée : on la comprend, mais on n’est pas capable de la parler ou de l’écrire.
lundi 13 novembre 2017
Je n'ai pas vu l'amitié franco-allemande.
"Nous mesurons trop ici ce qui nous a séparés pour sous-estimer ce qui, aujourd'hui, nous unit. Au moment où l'Europe doute d'elle-même, au moment où certains de ses peuples expriment leur peur de l'avenir en remettant leur sort entre les mains de dirigeants qui se nourrissent de l'angoisse, la concorde franco-allemande ne doit pas apparaître comme la confiscation de l'idéal européen ; la concorde franco-allemande est au contraire l'exemple le plus éclatant de ce que peut réaliser notre volonté de paix. A un implacable désir de revanche, nous avons substitué au fil du temps une coopération politique, économique, diplomatique scientifique, éducative, une amitié véritable."
Extrait du discours de notre Président le 11 novembre dernier. Il y a là deux erreurs :
- pendant la période 1860-1970 (disons), c’est-à-dire de la montée de l’unité de l’Allemagne autour de la Prusse à la fin d’une forme de fascination intellectuelle des Français pour l’Allemagne, pendant cette période où il y eut trois guerres entre les deux pays, Français et Allemands se connaissaient bien mieux et, par delà des sentiments agressifs les uns envers les autres, s’estimaient beaucoup plus que ce n’est désormais le cas. Aujourd’hui, c’est l’indifférence qui prime, on va à Paris parce que c’est beau, à Berlin parce que c’est mieux pour faire la fête, et c’est tout. Le Président Macron n’a pas vu la culture française, mais il voit une « amitié véritable » qui n’existe pas ;
- et qui existe d’autant moins que, depuis la réunification de l’Allemagne appuyée par le grand génie Mitterrand, et la création de l’Euro, sous les auspices du même ci-devant génie, la lutte entre les pays a repris - et nous ne sommes certes pas en train de la gagner. Simplement, il en est ici comme d'autres graves phénomènes en cours (Phénomène : ce qui apparaît, ce qui se manifeste aux sens ou à la conscience, et qui peut devenir l'objet d'un savoir) : c’est celui qui parle de guerre, d’invasion ou de colonisation, qui est accusé de vouloir la guerre, alors qu’il ne fait qu’appeler un chat un chat, et se rappeler que les mots sont censés nommer les choses plutôt que de les cacher. Il n’y a pas tant de « coopération politique, économique, diplomatique scientifique, éducative » qu’une grande Allemagne trop grande pour l’Europe - surtout sans Autriche-Hongrie, rayée de la carte sous les auspices du grand génie Clemenceau après 1918, mais qui heureusement se manifeste de nouveau sous d’autres formes depuis quelque temps… -, et qui avale et vampirise une bonne partie du continent.
Ceci avec l’aval de nos dirigeants. Il m’est arrivé de les qualifier de traitres, je ne suis ni le premier ni le dernier à le penser. Au réveil (trop matinal ce lundi, voilà ce qui arrive quand se couche tôt), je me dis que ces gens-là ont en tout cas une faculté redoutable à accorder leur lâcheté avec leurs quelques rares prises de décision. Monnerot parle de la politique de l’autruche comme la résolution des irrésolus, il s’agit ces derniers temps d’une politique du pire dont les auteurs essaient de se donner de l’importance à leurs propres yeux, d’une part en la déclarant souhaitable, d’autre part en s’efforçant de la rendre irréversible. On essaie de cacher sa propre médiocrité en participant activement à rendre effectivement inéluctable des processus déjà lourds et dangereux en eux-mêmes - mais qui, s’ils ne viennent pas de nulle part, ne sont en rien une fatalité. Ceci au lieu de jouer le vrai rôle d'un homme d'État, à savoir s'opposer de façon intelligente auxdits processus. Un peu de discours à la con comme celui que j'ai cité pour commencer par-dessus, et l'homme politique peut se regarder dans le miroir le matin. - L’Histoire jugera, comme on dit, mais ce sont nous et nos enfants qui vont payer les pots cassés de toutes ces supposées « amitiés véritables » avec les Allemands, les Arabes musulmans, les migrants, j’en passe et des meilleurs.
dimanche 12 novembre 2017
Suite directe du précédent. (Jean Madiran.)
"A cette montée en puissance et en insolence dominatrice de la nouvelle religion, utilisant l’étiquette « catholique » pour envahir le catholicisme, l’autorité ecclésiastique en France n’oppose ni réaction ni clarification.
Une telle situation appelle la multiplication opportune des actes extérieurs de la foi.
L’acte intérieur de la foi est l’acte d’une intelligence qui adhère à la vérité divine sous le commandement d’une libre volonté que Dieu guide par sa grâce.
L’acte extérieur de la foi est l’affirmation de la foi. Elle est nécessaire au salut éternel, d’une obligation qui oblige tout le temps, mais pas à tout moment ni en tout lieu. Elle est obligatoire quand l’honneur de Dieu ou l’utilité du prochain le réclame. Là où la foi. est en péril, tout un chacun est tenu d’affirmer aux autres sa foi, dit saint Thomas d’Aquin, quilibet tenetur fidem suam aliis propalare vel ad instructionem aliorum fidelium sive confirmationem, vel ad remprimendum infidelium insultationem, soit pour instruire ou affermir les autres fidèles, soit pour réprimer l’impertinence des infidèles. Sed aliis temporibus instruere homines de fide non pertinet ad omnes fideles : mais quand il n’y a pas nécessité, instruire les gens dans la foi n’est pas l’affaire de tous les fidèles.
Ma conclusion (…) :
L’Église de Jésus-Christ est une, sainte, catholique, apostolique. A chaque époque, cette apostolicité, cette catholicité, cette sainteté, cette unité, animent ou désertent plus ou moins la structure de fondation divine sur laquelle repose temporellement sa continuité visible : la succession apostolique et la primauté du siège romain. Cette succession, cette primauté ne sont pas exemptes de défaillances graves ; aujourd’hui universellement catastrophiques. Mais ce qu’elles font mal, ou ce qu’elles ne font pas, personne d’autre ne peut le faire à leur place.
C’est pourquoi, plus qu’un réquisitoire, le présent opuscule [La trahison des commissaires, 2005], comme toutes mes autres chroniques religieuses, est une réclamation qui s’adresse principalement à la hiérarchie catholique."
Homme de peu de foi moi-même, je recopie pour le plaisir cette définition remarquable :
"L’acte intérieur de la foi est l’acte d’une intelligence qui adhère à la vérité divine sous le commandement d’une libre volonté que Dieu guide par sa grâce." A réciter tous les jours !
samedi 11 novembre 2017
"La nouvelle religion qui envahit le catholicisme français…"
Cette formule - de Jean Madiran - peut paraître excessive, en voici des éléments d’explication, je prends l’énumération de l’auteur en son cours :
"L’épiscopat n’ayant ni rétracté ni condamné son rapport doctrinal invitant à ne plus demander à Dieu ce que le cultivateur demande à l’engrais, il a rendu inintelligible la foi en la Providence, il a désavoué et tourné durablement en dérision l’adage de bon sens : « Aide-toi et le ciel t’aidera » ; il a implicitement disqualifié la réponse de Jeanne d’Arc : « Les hommes d’armes combattront et Dieu donnera la victoire », réponse si parfaitement théologique qu’à bon droit elle peut être transposée en : « Les cultivateurs laboureront et sèmeront (et mettront de l’engrais) et Dieu fera lever la moisson. »
Encore un autre cas, également constitutif de la religion nouvelle. En 1969, l’épiscopat français décrétait, au nombre de « rappels de foi indispensables », qu’à la messe :
« Il s’agit simplement de faire mémoire de l’unique sacrifice déjà accompli. »
Ce « rappel de foi » était dans la dépendance de l’ordonnance épiscopale du 12 novembre 1960 par laquelle, sans référence à rien d’autre qu’à leur propre autorité, « les évêques de France réunis en assemblée plénière » rendaient obligatoire à partir du 1er janvier 1970 la messe en français, celle d’un Nouveau missel du dimanche désormais publié chaque année, selon un ordo non plus annuel mais s’étendant sur trois ans. Le nouveau missel pour l’année liturgique 1969-1970 proclamait en sa page 332 ce « rappel de foi » prétendument tiré de l’épître aux Hébreux. Il était destiné à reparaître ainsi tous les trois ans. Dans le nouveau missel des dimanches pour l’année 1973, il figura en effet pages 382-383. Désormais donc la messe, appelée de préférence eucharistie, restait peut-être un sacrement, mais elle n’était plus un sacrifice, substantiellement le même que celui de la Croix, avec le même prêtre et la même victime. Ainsi se trouvait aboli qu’entre le sacrifice de la messe et celui de la Croix, il y a cette différence et cette relation : sur la Croix, Jésus-Christ s’est offert en répandant son sang et en méritant pour nous ; sur les autels, il se sacrifie sans effusion de sang et nous applique les fruits de sa passion et de sa mort.
Le menteur « rappel de foi » aurait donc dû reparaître dans le nouveau missel des dimanches de l’année 1976. Il en avait été subrepticement retiré, sans tambour ni trompette, sans aucune explication. Mais, là aussi, sans rétractation. La plus grande partie du clergé et des fidèles n’ont pas été avertis qu’ils ne devaient pas continuer à croire qu’à la messe « il s’agit simplement de faire mémoire de l’unique sacrifice déjà accompli ». Ils le croient plus ou moins. Ils ne savent plus ce qu’exactement il faut croire.
Mais ils ne parlent plus du « saint sacrifice de la messe ».
L’expression est remisée au cimetière des formules qui disaient ce qu’elles disaient, et que l’on n’entend plus dans le langage ecclésiastique usuel, comme :
« Jésus-Christ vrai dieu et vrai homme. »
Ou encore :
« Après la consécration, le pain est le Corps, le vin est le Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ, en ce sens précisé qu’il ne reste rien du pain et du vin, sauf leurs apparences. »
Ces formules sont celles par lesquelles l’Église exprime les mystères de la foi en lesquels nous croyons. Elles sont mystérieuses mais elles sont simples ; et notamment, elles sont simples à énoncer. Si on oublie de les énoncer ou si on le refuse, si on ne les énonce plus dans leur simplicité sans équivoque, si on les remplace par des énoncés ambigus et confus, c’est que l’on n’y croit plus, ou qu’on ne sait plus jusqu’à quel point y croire, et qu’on ne voit plus aucun motif de les enseigner comme des vérités certaines. On les considère comme les expressions facultatives et largement périmées d’un mythe plus ou moins vague en voie d’évolution.
Du rang de vérité révélée, enseignée au nom de Dieu avec une rigueur dogmatique impliquant des exigences morales inébranlables, la religion catholique en France, dans ses expressions officielles, est en train de glisser à celui de mythe fondateur d’une idéologie humanitaire accompagnant souplement la diversité évolutive des consciences individuelles."
- Beurk… La suite demain, en principe !
vendredi 10 novembre 2017
Ach, Rioufol...
"Le sentiment de sécurité que j’ai pu éprouver ces derniers jours dans le désert du Néguev comme dans la vieille ville de Jérusalem est à la mesure de la force mentale et de la détermination collective qui habitent cette nation. (...) En Israël, des tomates poussent dans le désert et la voiture autonome de demain est testée dans un centre de recherche de Jérusalem."
(Le lien : http://blog.lefigaro.fr/rioufol/2017/11/donald-trump-bien-vu-disrael.html)
Cette élégie écolo-technologique à l’appui d’une démonstration selon laquelle la France devrait s’inspirer d’Israël est admirable, on s’en voudrait presque de se sentir obligé de rappeler quelques évidences :
- ce n’est pas parce que l’Islam expansionniste existe qu’Israël ne se comporte pas de façon indigne, pour rester poli, avec les Palestiniens ;
- ce n’est pas parce que nous - quand je dis nous, ceux qui nous « gouvernent », avons du mal à nommer le terrorisme islamiste, que tous les mouvements arabes en font partie ou en ont toujours fait partie ;
- enfin, toutes choses égales d’ailleurs, l’envahisseur n’est pas le même dans les deux cas. Du côté sioniste, épousé avec enthousiasme par I. Rioufol, c’est quand même un coup de force pour le moins culotté que de dire que les Israéliens ou les Français sont dans la même situation, que nous sommes deux pays envahis par les mêmes Arabes et en proie, pour les mêmes raisons, au même terrorisme islamiste !
Du coup, on est un peu tenté de dire à Ivan Rioufol le même genre de choses qu’il nous (vraiment nous, pas nos « gouvernants ») arrive de répondre aux Algériens qui nous font chier avec leur bled tout en continuant quand même à vivre en France : si tu veux aller regarder pousser des tomates et les voitures du futur en Israël, reste dans le désert du Néguev, Ivan, restes-y, tu y es en sécurité…
jeudi 9 novembre 2017
Jusqu'où est-on descendu...
Toujours Monnerot, toujours la marxisation de l’Université en 1969 / l’américano-islamisation de tout en 2017, place au rôle, si l’on peut dire, de l’État :
"Qu’est-ce que l’État peut dire ici pour sa défense ? Qu’il est faible. Mais chaque être politique a sa perfection propre. La perfection propre de l’État n’est pas d’être faible. L’État en effet doit être assez fort pour assumer et assurer ses missions fondamentales. Missions fondamentales qui lui sont expressément renouvelées dans la formule démocratique, à chaque élection générale, quelle que soit d’ailleurs celle-ci, législative, présidentielle, etc. Ou si cet État ne se justifie plus par la formule démocratique, qu’il la dénonce !
[Ce que E. Macron a évoqué il y a quelques mois…]
Qu’il prenne garde ! Il ne peut trop compter sur la croyance à cette formule chez les autres s’il prend, lui, avec elle, de telles libertés ! La seule formule invocable pour un État qui livre la France au marxisme serait d’être marxiste. Tolérance, nous dira-t-on. Était-ce la peine de la chasser des maisons publiques pour la faire rayonner des palais nationaux ?
Je ne vois point comment cet État peut se défendre. Ou il a partie liée secrètement avec les marxistes, ou sa carence est faiblesse. Dans les deux cas, il se condamne lui-même à terme, quel que soit l’éloignement ou la proximité de ce terme. Dans le premier cas, il trompe les citoyens. (La majorité actuelle s’est fait élire en juin 1968 comme rempart contre le marxisme, et sous le coup des agitations de mai 1968). M. Pompidou a succédé au Général de Gaulle dans le même esprit officiellement). Il y en somme double trahison des mêmes, en tant que majorité d’une part, que système gouvernemental d’autre part. Dans le second cas (s’il est trop faible), cet État trompe aussi le pays. Car dans les deux cas, sa parole ne vaut rien. Le consentement qui lie les gouvernés aux gouvernants après une perte totale de confiance ne serait plus qu’une garantie précaire. Tout le système pourrait être balayé par une minorité dans l’indifférence générale de la majorité et c’est l’avenir que se préparent des groupes de personnes vulnérables, soit à l’imputation de duplicité, soit à l’imputation de faiblesse. L’un, hélas, n’exclut pas l’autre !"
mercredi 8 novembre 2017
Bref retour à Monnerot.
"Il n'est pas douteux que le meilleur remède aux croyances communistes ne soit l'instauration réelle d'un régime communiste en France. Comme nous l'avons dit, le remède est trop cher."
"Il est superflu d'insister sur l'intérêt d'ordre politique et guerrier qu'ont des puissances étrangères, communistes et insuffisamment développées, à bloquer le développement de sociétés qui les dépassent et à contraindre celles-ci, par des actions de guerre politique, à la régression économique et sociale." - Et culturelle, ajouterai-je.
Comme d'habitude, on peut remplacer certains termes par "islamisme", "multiculturalisme", etc. Dans ces deux exemples, ça marche très bien. - On en arrive d'ailleurs à se dire que ce sont les femmes françaises qui ont une partie de la possibilité de la résolution du problème (je sais, ce n'est pas d'un optimisme délirant) entre les mains : veulent-elles pousser leur lassitude à certains égards compréhensible à l'endroit de l'ennui que peut provoquer l'homme français moyen actuel, jusqu'à l'instauration réelle d'un régime islamo-multiculturaliste en France, ou penseront-elles que le remède est trop cher ?
Aucun déni de responsabilité des hommes français moyens dans cette remarque : c'est toujours dans l'interaction avec les femmes que les hommes ont la possibilité de se montrer virils. Pour jouer à qui pisse le plus loin, ils peuvent effectivement rester entre eux.
mardi 7 novembre 2017
"La solennité profonde du désir. La terre ne savait pas ces choses." La planète non plus. Ernest Hello :
Siméon et Anne la prophétesse attendent depuis longtemps la venue du Christ :
"Probablement les siècles écoulés passaient sous les yeux de Siméon et d’Anne, et leurs années continuaient en ces siècles, et le désir creusait en eux des abîmes d’une profondeur inconnue, et le désir se multipliait par lui-même, et le désir actuel s’augmentait des désirs passés, et ils montaient sur la tête des siècles morts pour désirer de plus haut, et ils descendaient dans les abîmes qu’avaient autrefois creusés les désirs des anciens, pour désirer plus profondément. Peut-être leur désir prit-il à la fin des proportions qui indiquèrent que le moment était venu. Siméon vint au temple en Esprit. C’était l’Esprit qui le conduisait. La lumière intérieure guidait ses pas.
Un frémissement, inconnu de ces deux âmes qui pourtant connaissaient tant de choses, les secouait probablement d’une secousse pacifique et profonde qui augmentait leur sérénité.
Pendant leur attente, le vieux monde romain avait fait des prodiges d’abomination. Les ambitions s’étaient heurtées contre les ambitions. La terre s’était inclinée sous le sceptre de César Auguste.
La terre ne s’était pas doutée que ce qui se passait d’important sur elle, c’était l’attente de ceux qui attendaient. La terre, étourdie par tous les bruits vagues et vains de ses guerres et de ses discordes ne s’était pas aperçue qu’une chose importante se faisait sur sa surface : c’était le silence de ceux qui attendaient dans la solennité profonde du désir. La terre ne savait pas ces choses ; et si c’était à recommencer, elle ne les saurait pas mieux aujourd’hui. Elle les ignorait de la même ignorance : elle les méprisait du même mépris, si on la forçait à regarder. Je dis que le silence était la chose qui se faisait à son insu, sur sa surface. C’est qu’en effet ce silence était une action. Ce n’était pas un silence négatif, qui aurait consisté dans l’absence des paroles. C’était un silence positif, actif au-dessus de toute action."
lundi 6 novembre 2017
Les paralogismes évoqués hier.
Jacques de Guillebon, édito du n° 3 de L'incorrect, extraits (https://lincorrect.org/edito-jacques-de-guillebon-effacement/), je souligne les raisonnements les plus caractéristiques :
"Ce n’est pas seulement l’homme occidental, mais encore la France, et même sa vertu chrétienne, qui souffrent mille accusations. Lorsque Christophe Billan énonce dans nos colonnes qu’il existe certaine adéquation entre un Français et un chrétien, et que l’on lui en fait procès, un obscur chroniqueur du Monde y fait benoîtement écho en déclarant que la France chrétienne et blanche, c’est fini. Ce qui laisse supposer au moindre raisonneur qu’il fallut bien qu’elle existât, que donc Billan n’avait pas tort, à moins que l’on fasse finir aujourd’hui des choses qui jamais ne furent.
Ce qui n’est pas impossible, d’ailleurs : nos déconstructeurs sont d’abord des négateurs et ils iront demain, coiffés d’un plat à barbe comme le chevalier à la Triste figure, dire que ce contre quoi ils se battaient hier n’était que moulins à vent. Plus que la victoire, c’est l’oubli qu’ils veulent. Jean Baudrillard tenait que ce qui signe un crime, c’est l’effacement de ses traces. Nous y voilà."
"« Aucune nostalgie du passé n’est décente », énonce sans rire la sociologue Irène Théry. Elle parle des relations hommes /femmes, et ce ton terroriste fait frémir. Désormais la suspicion tient lieu de politesse, et si la femme est l’avenir de l’homme, c’est comme naguère le goulag était celui du dissident. Coupable de tout pour tous, l’homme censément majoritaire et dominant n’a plus qu’un choix : la soumission ou l’exil. Le mutisme et l’impuissance d’un côté, avec cette dette perpétuelle d’un passé que l’on dit pourtant n’avoir pas existé, et qu’il lui faut payer malgré tout ; ces marges de l’existence de l’autre côté, là où les commissaires politiques ne sont pas encore arrivés, là où la vie commune et décente peut se poursuivre, en espérant ne pas être rattrapé trop tôt par la patrouille. La survie est encore possible, mais ne nous leurrons pas : pour nous, il n’y aura pas de Mayflower, il n’y aura pas de frontière, pas de terre promise. Sinon celle que nous avons déjà sous les pieds."