Tombeau du héraut.
Bercé dans le doux confort de l'existence et de l'égoïsme, on peut avoir besoin de comprendre que l'on est responsable du malheur ailleurs pour pouvoir saisir de quelle nature est le malheur ici. C'est entre autres la lecture des livres de M. Verschave qui, en montrant ce que la République était capable de faire chez les Nègres, m'a amené à conclure qu'elle était aussi capable de tout ici. François Mitterrand, Jacques Chirac, Hubert Védrine, Michel Rocard, Charles Pasqua, Nicolas Sarkozy... la liste est longue des hommes politiques que l'on ne peut plus voir autrement que comme des canailles et des assassins, au moins par complicité (a contrario A. Juppé et D. de Villepin semblent presque honnêtes !). La figure du Chirac "un peu con mais sympa" disparaît - de même que le "Florentin" Mitterrand devient comme un mélange de Biscmarck et de Hitler qui n'eut même pas le courage de se salir les mains lui-même. Quant à la France, la "patrie des droits de l'homme"... Nous sommes plus intelligents que les Américains en Irak, nous faisons faire le boulot par d'autres, voilà tout.
Ces conclusions me sont personnelles, mais elles me semblent dans le droit fil des faits patiemment accumulés et interprétés par M. Verschave dans ses livres : Au mépris des peuples, bonne introduction, La Françafrique et Noir silence, les deux pièces maitresses, et Noir Chirac, le plus risqué, à la fois par sa cible et parce que la part de l'hypothèse y est la plus importante.
Autre aspect, variante en mineur du précédent. Comme les romans de J. Ellroy, les travaux de F.-X. Verschave excellent à montrer concrètement qu'il est possible d'être à la fois un très bon "politicien" et une parfaite ordure - dans les deux cas on se fait déniaiser - et on risque de commettre l'erreur de croire l'être pour toujours.
M. Verschave peut être qualifié d'altermondialiste. Ce n'est pas nécessairement son plus grand mérite. Mais, outre qu'il fut d'un grand courage dans ses livres et qu'il ne joua jamais à prendre la place des Africains dont il évoquait le sort, il sut montrer les liens entre la déliquescence de la classe politique française et son action en Afrique : il était donc fondé à partir de ce point de vue, dont la pertinence est établie, pour chercher des solutions globales, malheureusement et sans doute inévitablement fort vagues (cf. Un autre monde est possible, éd. La découverte).
La Françafrique est évidemment en joie aujourd'hui, car ce n'est pas pour bientôt que l'on retrouvera un aussi éloquent procureur d'un système infâme - qui, indirectement, me permet d'écrire ce texte sur mon bel ordinateur...
Pour en savoir plus :
- le site de Survie , l'association fondée et présidée par M. Verschave (ou dans mes liens : "Chirac assassin);
- les sites des Arènes et de La fabrique ;
- un site que je connais mal, mais qui creuse les mêmes sillons : stop-Françafrique .
(Rajouté le 6 juillet). Merci Acrimed, qui montre une fois de plus de quoi les individus du Monde et de Libération sont capables - et de quoi ils ne sont pas capables, c'est-à-dire d'oser écrire, purement et simplement, que F.-X. Verschave les gênait. Il est vrai qu'il leur faudrait alors avouer qu'ils sont stipendiés par la Françafrique (je rappelle que M. Colombani, d'après la justice française, est "renseigné" par la DGSE), et qu'il vaut donc mieux prétendre, comme ils le font, que la Françafrique est une affaire du passé, ce qu'un Togolais serait sans doute ravi d'apprendre.
Passons. Je tenais à faire remarquer par ailleurs qu'un des mérites de M. Verschave fut d'avoir été à la hauteur de ses découvertes : ainsi qu'il le rappelait fréquemment, lorsqu'il s'était lancé dans l'aventure de "Survie", il ne s'attendait pas du tout à apprendre que la Françafrique avait à ce point gangrené l'état français. Mais lorsqu'il en prit conscience, il ne recula pas, bien au contraire. Pour le dire à la manière d'Alain Badiou, il sut rester fidèle à un événement primordial (la prise au sérieux des responsabilités de la France dans le génocide rwandais), et c'est ce qui le constitua en tant que sujet - pas une pose révolutionnaire prise à l'avance et s'accommodant ensuite aisément des "dures réalités".
Enfin, me relisant, je me suis aperçu que j'avais enfreint un de mes propres principes, en étant plus violent à l'égard d'un mort, François Mitterrand, que d'un vivant (en mauvais état, mais les crapules ont la vie dure), Jacques Chirac. J'essaierai donc de me rattraper à l'occasion. A propos d'occasion, je profite de celle-ci pour signaler que dans Au mépris des peuples se trouvent de très éclairants passages sur Nicolas Sarkozy, ses rapports avec Charles Pasqua, les Hauts-de-Seine, l'argent...
Libellés : Acrimed, Badiou, Chirac, Colombani, Ellroy, Françafrique, Juppé, Libération, Sarkozy, Verschave, Villepin