samedi 30 juin 2018
La formule est connue et j’ai dû la citer dans le temps, mais il me semble pas inutile de vous l'offrir à l’aurore d’un week-end de début juillet, de match de football, de « canicule », de limitation de vitesse pour les automobilistes, etc. :
"Le travail est la prière des esclaves, la prière est le travail des hommes libres."
vendredi 29 juin 2018
N’endurer aucun martyre et n'évangéliser que très peu de musulmans...
La puissance de Léon Bloy est telle que lorsqu’il dresse le portrait des ecclésiastiques consensuels de la fin du XIXe, on a l’impression qu’il fixe le cadre dans lequel tous leurs successeurs, comme happés par la violence de son style et la pertinence de son jugement, vont comme malgré eux se glisser. On peut dire que ces remarques sont toujours actuelles, mais l’effet produit par ces lignes me semble plus fort : à leur lecture, on se dit que les gens qui ont le renoncement au coeur s’y soumettent d’eux-mêmes, quand bien même ils ne les connaissent pas, et se dirigent vers la case que Bloy leur a assignée.
Voici le premier extrait, un portrait du Père Didon, auteur d’un livre sur l’Allemagne qui ne semble pas plus du goût de Bloy que ne l’était de celui de L. Daudet (livraison du 15 juin dernier) l’importation de la philosophie kantienne en France :
"Le Père Didon est un avaleur de formules comme on est un avaleur de sabres, et Dieu sait si notre siècle est fertile en formules !
Cet homme a tout englouti, tout engouffré. La divinité de la science, l’infini des connaissances humaines, la suprématie absolue de l’intelligence, l’égalité de l’homme et de la femme par l’instruction, le triomphe de l’expérimentalisme, la tolérance sage, le respect de toutes les croyances, l’harmonie de la science et de la foi, l’installation terrestre de la paix et de la fraternité, etc. ; toutes ces viles rengaines écaillées et poussiéreuses, bonnes tout au plus à conditionner un boniment électoral, il nous les rapporte d’Allemagne, dans un livre de néant dont l’unique supériorité est le plus effrayant ennui qui puisse être senti par des hommes."
Le Père Monsabré maintenant, qui officiait à Notre-Dame, rien moins :
"C’est un robinet d’eau tiède en sortant, glacée quand elle tombe. Et il lui faut toute une année pour nous préparer ces douches !
Il se trouve des naïfs que cette vacuité stupéfie. Mais c’est comme cela qu’on les fabrique tous, depuis longtemps, les annonciateurs du Verbe de Dieu !
Une glaire sulpicienne qu’on se repasse de bouche en bouche depuis deux cents ans, formée de tous les mucus de la tradition et mélangée de bile gallicane recuite au bois flotté du libéralisme ; une morgue scolastique à défrayer des millions de cuistres ; une certitude infinie d’avoir inhalé tous les souffles de l’Esprit-Saint et d’avoir tellement circonscrit la Parole que Dieu même, après eux, n’a plus rien à dire. Avec cela, l’intention formelle, quoique inavouée, de n’endurer aucun martyre et de n’évangéliser que très peu de pauvres ; mais une condescendante estime pour les biens terrestres, qui réfrène en ces apôtres le zèle chagrin de la remontrance et les retient de contrister l’opulente bourgeoisie qui pavonne au pied de leur chaire. Tout juste la dose congrue - presque impondérable - de bave amère sur les délicates fleurs du Grand Livre, pour lesquelles fut inventée la distinction laxative du précepte et du conseil. Enfin l’éternelle politique régénératrice, l’inamovible gémissement sur les spoliations de la Libre Pensée et l’incommutable anxiété de péroraison sur l’avenir présumé de la chère patrie… Quand on entend autre chose, c’est qu’on a la joie d’être sourd ou l’irrévérencieuse consolation de dormir."
La messe est dite !
jeudi 28 juin 2018
"La France, condamnée par ses chefs spirituels..."
"Une seconde cause de canonisation [après celle de Christophe Colomb] a longuement mobilisé Léon Bloy : celle de Jeanne d’Arc. « Sans elle, écrit-il dans Jeanne d’Arc et l’Allemagne, tout est impossible, avant comme après, puisque tout porte sur elle. C’est la clef de voûte. » Jeanne d’Arc fut béatifiée en 1909, soit près de cinq siècles après sa mort. « Je veux bien que Jeanne d’Arc soit une sainte, mais non pas la sainte de ces gens-là, qui l’eussent autrefois couverte d’ordures, avant de la brûler, exactement comme le célèbre Cauchon », relève alors Bloy en constatant l’héroïsme facile des catholiques français déployé à l’occasion de la première fête liturgique. En 1915, sur fond de Grande Guerre, il se réjouit de l’avancée de la cause de canonisation tout en déplorant « la sottise et la dégoûtante sentimentalité de ses admirateurs catholiques, absolument incapables de comprendre la mission réelle de cette fille de Dieu. » Comme l’a noté Henri Quantin, pour Léon Bloy « les êtres exceptionnels réchauffent l’humanité, en manifestant la vocation à l’éternité de chaque homme ; Jeanne dresse un pont par-dessus les abîmes temporels : elle troue le ciel bas et lourd et soulève un peu le couvercle qui cherche à nous enfermer dans notre siècle comme sur une île déserte ». A l’heure où l’« empereur de l’hérétique Allemagne offre la Croix de fer aux assassins et aux incendiaires pour les récompenser de leurs crimes », la France, condamnée par ses chefs spirituels qui ont refusé le message de la Salette, n’a peut-être plus d’autre chemin que de s’attacher à « la pauvre Croix de bois de Jeanne d’Arc dont elle ne veut pas en ce moment, mais qui la sauverait miraculeusement à la dernière heure pour que le genre humain ne fût pas perdu ». Mais il y a encore davantage pour Léon Bloy. Le Royaume a été sauvé par la Pucelle. Or « la Vierge est l’objet de la concupiscence divine et l’Esprit-Saint qui est l’Amour même n’y résiste pas. Elle peut donc engendrer par Lui et c’est toute l’histoire de la mystérieuse Jeanne d’Arc donnant à Dieu un royaume qui n’existait pas visiblement avant elle et qui, sans elle, n’aurait pas pu naître ». Au final, « Bloy entraperçoit la Vierge triomphant du dragon au dernier jour. En somme, chez Bloy, tout grand personnage historique est aussi figure eschatologique, ou, pour le dire autrement, annonciateur et même accélérateur de parousie. » [H. Quantin]"
Augustin Laffay, préface à l’édition des Essais et pamphlets de Bloy en collection Bouquins.
mercredi 27 juin 2018
"Il a fallu, de toute nécessité..."
Léon Bloy, aujourd’hui, un extrait de Dans les ténèbres pris presque au hasard. Une occasion pour méditer sur la notion de courage :
"Jésus commença à avoir peur, est-il dit dans saint Marc. Le Maître a donc connu la peur. Il a tremblé en voyant approcher l’heure de sa Passion et son angoisse a été jusqu’à suer le sang. Un peur qui va jusqu’à la Sueur de sang, il n’est possible à aucun homme d’imaginer cela. On est bien forcé de se dire qu’une telle peur a été au-delà de tout ce qui peut être conçu. Songez donc ! Une peur divine, une agonie de peur dans la Lumière du monde ! Il a fallu, de toute nécessité, qu’elle dépassât infiniment toutes les peurs, comme Jésus a tout dépassé. C’est une peur triomphale, si on peut dire.
L’insuffisance des mots humains est ici d’autant plus manifeste qu’il s’agit d’une chose qui déshonore, d’une ignominie excessive qui répugne essentiellement à la Gloire. Le Rédempteur est épouvanté de son sacrifice et surtout des suites de son sacrifice, inutile pour un si grand nombre. Sachant très bien que le calice ne peut être éloigné de lui, il prie néanmoins son Père de l’écarter, si c’est possible. Mais non, il faut le boire, il faut l’engloutir et descendre pour cela dans une cave d’ignominie que redoutent les hommes les plus méprisés, au-dessous de laquelle il n’y a plus rien.
Alors comment n’aurais-je pas peur, moi qui suis un très pauvre homme ?"
mardi 26 juin 2018
Enfin Malherbe vint...
Trois poèmes de Malherbe aujourd’hui. Ce sont surtout les deux derniers que j’avais envie de vous faire lire, mais le premier, d’une part me permet un bon contrepoint, d’autre part contient tout de même l’un des plus beaux incipits de la poésie française, ne nous privons donc pas.
Dessein de quitter une dame qui ne le contentait que de promesse.
"Beauté, mon beau souci, de qui l’âme incertaine
A comme l’océan, son flux et son reflux :
Pensez de vous résoudre à soulager ma peine,
Ou je me vais résoudre à ne la souffrir plus.
Vos yeux ont des appas que j’aime et je prise.
Et qui peuvent beaucoup dessus ma liberté :
Mais pour me retenir, s’ils font cas de ma prise,
Il leur faut de l’amour autant que de beauté.
Quand je pense être au point que cela s’accomplisse
Quelque excuse toujours en empêche l’effet :
C’est la toile sans fin de la femme d’Ulysse,
Dont l’ouvrage du soir au matin se défait.
Madame, avisez-y, vous perdez votre gloire
De me l’avoir promis et vous rire de moi.
S’il ne vous en souvient, vous manquez de mémoire,
Et s’il vous en souvient, vous n’avez point de foi.
J’avais toujours fait compte, aimant chose si haute,
De ne m’en séparer qu’avecque le trépas
S’il arrive autrement ce sera votre faute,
De faire des serments et ne les tenir pas."
Les deux autres poésies expriment aussi le désir, de façon quelque peu directe, mais non sans aide divine :
"J’avais passé quinze ans les premiers de ma vie,
Sans avoir jamais su quel était cet effort,
Où le branle du cul fait que l’âme s’endort,
Quand l’homme a dans un con son ardeur assouvie.
Ce n’était pas pourtant qu’une éternelle envie,
Ne me fît désirer une si douce mort,
Mais le vit que j’avais n’était pas assez fort,
Pour rendre comme il faut une dame servie.
J’ai travaillé depuis et de jour et de nuit,
A regagner ma perte, et le temps qui s’enfuit,
Mais déjà l’Occident menace mes journées,
Ô Dieu je vous appelle, aidez à ma vertu,
Pour un acte si doux allongez mes années,
Ou me rendez le temps que je n’ai pas foutu."
"« Multipliez le monde en votre accouplement »,
Dit la voix éternelle à notre premier père,
Et lui, tout aussitôt, désireux de le faire,
Il met sa femme bas, et la fout vivement.
Nous, qui faisons les fous, disputons sottement
De ce Dieu tout-puissant la volonté si claire,
Par une opinion ouvertement contraire
Nous-mêmes nous privant de ce contentement.
Pauvres ! qu’attendons-nous d’une bonté si grande ?
Ne fait-il pas assez, puisqu’il nous le commande ?
Ne fait-il pas assez, puisqu’il nous le commande ?
Faut-il qu’il nous assigne et le temps et le lieu ?
Il n’a pas dit, Foutez ; mais, grossiers que nous sommes !
Multiplier le monde en langage de Dieu,
Qu’est-ce, si ce n’est foutre en langage des hommes !"
lundi 25 juin 2018
"J’attends les Cosaques et le Saint-Esprit."
Cette phrase de Léon Bloy à la fin de Au seuil de l’Apocalypse est citée par Morand dans son livre L’Europe russe annoncée par Dostoïevski. Livre curieux, dense et quelque peu confus, d’un auteur qui a lu Maistre, Jünger, Abellio (dès 1948), Berdiaev, références que je ne m’attendais guère à trouver sous sa plume. Livre passionnant aussi, mais qui nécessitera des citations un peu longues, ce que cherche, parfois trouve, parfois croit trouver Morand dans le Journal d’un écrivain de Dostoïevski n’étant pas toujours aussi clair qu’il semble le penser.
Ce préambule à d’éventuelles futures citations et analyses étant fait, voici la citation du jour, la phrase de L. Bloy n’étant là d’une certaine façon que pour planter le décor :
"Les Cosaques ne sont que la « personnification de la catastrophe, conditionnant le passage à l’harmonie » [Brzozowski]. Dostoïevski ne s’arrête pas plus devant leur menace que le Christ ne s’arrête devant celles du Grand Inquisiteur. Car Jésus se fera entendre : Notre Seigneur n’a pas peur du bûcher du Dominicain ; au contraire, c’est le Grand Inquisiteur qui sera brûlé par le baiser d’amour, seule réponse du fils de Marie. Ainsi le Dieu-homme l’emportera sur l’homme-Dieu.
Nous voilà pris dans le dilemme dostoïevskien pur : « Ou croire à la Résurrection, ou se suicider ». Peu importe la profondeur de l’abîme où est tombée l’humanité : « Pour juger de la force morale d’un peuple et de ce dont il est capable dans l’avenir, il ne faut pas considérer le degré d’abjection où il peut avoir chu momentanément ; il faut considérer le seulement le degré de spiritualité où il pourra atteindre, le moment venu. »"
Alleluia, nous ne sommes peut-être pas encore morts…
dimanche 24 juin 2018
Dostoïevski cité par Morand.
(Les coupures sont de Morand.)
"La Commune de Paris, les phalanstères qui prônent le paradis sur terre (…) se révèlent incapables de rien dire de positif (…), ils tranchent des têtes. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a rien de plus facile à faire. L’incendie de Paris est une monstruosité. - Notre coup de main n’a pas réussi ? Eh bien, que le monde périsse ! La Commune est au-dessus du bonheur du monde et de Paris."
"Les prolétaires se jetteront sur l’Europe et tout ce qui en elle est caduc s’effondrera pour toujours."
A suivre, et bon dimanche…
samedi 23 juin 2018
Heureusement que nous sommes là pour civiliser les Allemands, même les plus raffinés...
La suite, donc :
"Il n’y a pas plus eu à proprement parler d’évolution de l’écriture orchestrale de Strauss que d’évolution régulière de son harmonie. Lorsque Strauss utilise l’orchestre symphonique, il le fait quasiment d’une seule manière : en exaltant ses possibilités, en jouissant de sa possible virtuosité, en maniant avec un art supérieur tantôt l’effet de masse, tantôt l’arachnéisme d’une orchestration divisée. Certains traits straussiens, ceux d’altos souvent en particulier, sont difficilement jouables : mais emportés et noyés dans la masse, l’effet demandé est atteint. Au contraire, une intervention plus à découvert d’un ou de quelques instruments est-elle demandée, Strauss prend soin d’écrire leurs parties en tenant compte au plus haut point de « ce qui sort bien » et de « ce qui sort mal » à l’instrument. Ravel et Mahler divisent à l’extrême ; Puccini mélange ; Strauss individualise, puis ménage une progressive convergence de tout l’orchestre, qui éclate lorsqu’il le faut d’une manière impérieuse et parfois sauvage. Il violente son orchestre, qui violente son public ; mais le charme aussi est présent, sur l’orchestre comme sur le public.
La présence de la voix complique le jeu - mais le rend combien plus passionnant ! Voici Sophie, du Chevalier, rôle léger de jeune bourgeoise innocente : division extrême de l’orchestre. Voici au contraire Elektra ou Salomé, à la violence desquelles Strauss oppose parfois sa propre violence orchestrale. Parfois, cela ne va pas sans une certaine inattention aux possibilités vocales de l’interprète courante, même excellente : et on songe au Beethoven de la « Neuvième ». Mais la plupart du temps au contraire, Strauss sait par exemple préparer l’attaque toujours délicate d’une note haute par un mezzo d’un mouvement progressif chez son partenaire :
ou bien encore demander à son librettiste, en l’occurrence Hoffmansthal, de modifier son texte pour ne pas infliger à l’interprète, sur une note haute, une syllabe dure :
Ainsi se trouve mise en évidence la préoccupation majeure de Strauss, qui est moins de faire sonner un orchestre que de la faire résonner. Un moment de l’évolution de Strauss, en la matière particulièrement important, va être son orchestration d’Ariane. Il semble que Strauss est au XXe siècle un des premiers musiciens à comprendre que la perfection de l’orchestre symphonique impliquait en quelque sorte dialectiquement son dépérissement. (…) Les trente-cinq musiciens d’Ariane, tous solistes, résonnent admirablement. Et le Strauss de la maturité se rend compte que le nombre ne fait rien à l’affaire. Plus tard, il critique son gigantesque orchestre d’Elektra : A l’époque, j’étais entiché de fortissimi germaniques. Et assistant un jour à une représentation de Carmen, il s’extasie : Avec seulement deux cors ! Et moi, avec quatre, je n’en avais jamais assez !
Ce n’est donc pas par le recours à des instruments extraordinaires, ou par un nouveau type d’écriture orchestrale, que Strauss est important ; mais plutôt pour avoir réalisé un double mouvement de « liquidation » de l’orchestre symphonique et d’instauration de l’orchestration de chambre qui allait connaître au long du XXe siècle un avenir si brillant. L’inclinaison vers Mozart conduisit ainsi paradoxalement à d’étranges - et bénéfiques - libérations."
vendredi 22 juin 2018
Les valences expressives.
Parenthèse mélomane aujourd’hui, ne soyons pas déclinisto-apocalyptiques tous les jours… Au sujet principalement, mais pas seulement, de Richard Strauss, la plume toujours claire de Dominique Jameux nous offre quelques réflexions peut-être pas inutiles :
"Si un consensus se dégage à propos du génie straussien, c’est à ses dons d’orchestrateur qu’il le doit. Strauss fait partie d’une génération d’orchestrateurs admirables, qui bénéficient à la fin du siècle dernier et au début de celui-ci (sic…) d’un instrument, l’orchestre symphonique, qui a atteint son plus haut point de perfection, notamment en ce qui concerne le mécanisme des instruments à pistons. Mais surtout, un nouvel esprit orchestral est né, auquel participent, sur des modes différents, des musiciens aussi divers que Mahler, Puccini, Ravel ou Rimsky-Korsakov.
L’origine directe en est Berlioz (dont Strauss fait vers 1900 une révision en allemand du « Traité d’orchestration »), Liszt et surtout Wagner. Car ces musiciens qui ont la réputation injuste de « faire du bruit », sont, au contraire, par rapport à Brahms par exemple, ceux qui ont poussé les premiers le plus loin le souci de l’individualisation des instruments. Il n’est que de saisir n’importe quelle partition de Wagner pour s’en convaincre : il n’y a plus dans l’orchestre « le quatuor », c’est-à-dire les cordes, et « l’harmonie », c’est-à-dire tout le reste. Il n’y a plus dans celle-ci « les vents » et la percussion. Il n’y a plus dans les vents, les bois et les cuivres, et dans les bois des « pupitres » de flûte, hautbois, etc. Mais il y a sur chaque chaise un instrumentiste auquel est confié une partie pour ainsi dire autonome, qui exige presque de lui une virtuosité de soliste, que lui facilite par ailleurs le développement à l’époque de la facture d’instrument. Et à ce virtuose anonyme on demande d’intervenir comme s’il jouait un véritable rôle à soi seul, à moins qu’il ne soit requis pour se mêler avec n’importe lequel de ses collègues, pour un effet auditif original.
Car on aura compris que cette individualisation de chaque instrument de l’orchestre n’est pas une fin en soi, mais avait pour conséquence de rendre possibles des formes de groupement nouvelles. Si l’instrumentation qu’on enseigne au jeune Strauss lui apprend tout sur le caractère, les valences expressives, et les contraintes techniques de chaque instrument, l’orchestration, qui lui est enseignée sagement en même temps, doit lui révéler la richesse des possibles - de tous les possibles - mélanges d’instruments.
Ainsi, à vingt ans, Strauss reçoit comme cadeau un magnifique orchestre : cent ou cent vingt musiciens à la fois solidaires et experts, une formation en même temps puissante, souple et sensible. Il peut en faire ce qu’il veut : que veut-il ?"
Vous le saurez, sinon demain, en tout cas bientôt…
jeudi 21 juin 2018
"Ils ont changé la gloire de Dieu incorruptible en des images où ils adorent l’Homme corruptible."
(Ici, un blanc, vous pouvez mettre l'image du corruptible de votre choix.)
Saint Paul, Romains, I, 23.
Saint Paul, Romains, I, 23.
mercredi 20 juin 2018
"A nous deux, ma belle."
Un peu de littérature ce mercredi. Je sais que ce n’est pas ce que mes lecteurs recherchent en priorité à ce comptoir, mais un peu de belle prose, ça ne se refuse pas :
"Comme chaque matin, elle est là. Mais chaque matin il l’attend comme si elle ne devait jamais revenir ; elle est toujours à l’heure et il la croit toujours en retard ; elle est toujours la même et il la voit plus belle ; elle le regarde de ses yeux brillants et mobiles, courbant son beau cou flexible, tournant vers lui son front vertical et pur, lui offrant son corps équilibré par la santé et le repos. Ils s’affrontent depuis un long moment ; lui la contemple, la caresse même et cependant elle continue de carillonner par espièglerie, tant elle s’amuse ; écartant délicatement ses lèvres pâles aux sombres commissures, Milady ne lâche plus le cordon de sonnette, elle encense de la tête, prend aplomb sur ses jambes fines, met toute sa force à ce jeu, fière de ce geste que son seigneur lui a appris et qui les rapproche ; sans pitié, elle réveille la rue, le quartier, et avertit (…) qu’elle est exacte au rendez-vous d’amour.
"Comme chaque matin, elle est là. Mais chaque matin il l’attend comme si elle ne devait jamais revenir ; elle est toujours à l’heure et il la croit toujours en retard ; elle est toujours la même et il la voit plus belle ; elle le regarde de ses yeux brillants et mobiles, courbant son beau cou flexible, tournant vers lui son front vertical et pur, lui offrant son corps équilibré par la santé et le repos. Ils s’affrontent depuis un long moment ; lui la contemple, la caresse même et cependant elle continue de carillonner par espièglerie, tant elle s’amuse ; écartant délicatement ses lèvres pâles aux sombres commissures, Milady ne lâche plus le cordon de sonnette, elle encense de la tête, prend aplomb sur ses jambes fines, met toute sa force à ce jeu, fière de ce geste que son seigneur lui a appris et qui les rapproche ; sans pitié, elle réveille la rue, le quartier, et avertit (…) qu’elle est exacte au rendez-vous d’amour.
« 7 heures, disent les habitants du voisinage. Voilà la jument Milady qui tire la sonnette du commandant. »
« A nous deux, ma belle. »
Les relations affectives qui s’étaient établies entre le commandant et son cheval n’avaient rien de ces effusions dévoyées, de ces léchages de museau, de ces caricatures d’amour, de tous ces résidus pervers de sentiments humains qui président aux rapports des vieilles filles et de leur pékinois. C’était d’abord un combat, où la jument savait qu’elle succomberait, où elle désirait d’ailleurs succomber, une lutte qui commençait dans l’espièglerie, dans la ruse et se continuait dans la rage, pour se terminer dans une sorte de pâmoison soumise, de détente complète où l’un et l’autre trouvaient leur plaisir. Milady était sa chose ; Gardefort l’avait découverte, il l’avait faite ; elle était sa gloire ; elle l’entretenait dans l’illusion qu’il comptait toujours, qu’il appartenait au monde des vivants, qu’il possédait encore tous ses moyens physiques et moraux, bien qu’il les eût, comme tout le reste, en partie, perdus."
Ceux qui connaissent l’une des plus belles nouvelles de Morand, Milady, l’auront probablement reconnue, auront peut-être envie de la relire. Et j’espère bien sûr avoir suscité chez les autres le désir de la découvrir.
mardi 19 juin 2018
"Toutefois, gardons-nous ici des généralisations trop abruptes..."
Le 11 juin dernier, je vous citais un bon texte de Montherlant, en évoquant brièvement mes difficultés par rapport à ce qu’il a pu lui arriver d’écrire sur le christianisme et/ou le catholicisme. Encore une fois, je n’ai pas l’intention de me lancer dans une étude sur le thème - et je connais si peu Montherlant… -, mais je retombe aujourd’hui sur un texte qui devrait me permettre d’évoquer cette problématique un peu plus précisément. Il s’agit, en ouverture du Solstice de juin (nous sommes maintenant au début de la guerre), d’une méditation sur "Les chevaleries". Une belle formule pour commencer, à laquelle je pourrais souscrire, mais qui est très générale :
"Je pensais et je pense que l’individualisme est le produit des civilisations supérieures."
Et allons-y :
"Je crois que ces traits sont communs à toutes les chevaleries : le chevalier, chrétien ou japonais, s’oppose par essence au bourgeois. Il ne saurait en être autrement pour quelqu’un qui porte une civilisation intérieure plus rare et plus avancée que celle qui a cours autour de lui. L’orgueil est un devoir pour les bushi (chevaliers japonais). Pas un des jésuites de là-bas, au XVIIe siècle, qui ne se plaigne de leurs dédains ; selon moi, c’étaient des dédains attrayants. L’orgueil gonfle nos chevaliers féodaux, prenant souvent la forme délirante, un orgueil de panthère, chez ceux de Castille : l’Église n’a pas trop de toutes ses foudres et de toutes ses pratiques d’humilité, pour les garder en main (et de cela devraient se souvenir les gouvernements ; le catholicisme est un élément d’ordre dans une société pléthorique, et un élément de mort dans une société dégénérée et débile.)"
Ici, un appel de note :
"Tolstoï, étudiant la victoire japonaise sur les Russes en 1905, l’attribue au fait que les Japonais ne sont pas chrétiens. (…)
Renan compte, parmi les causes d’affaiblissement de l’armée romaine à la fin de l’Empire, l’introduction du christianisme dans les cadres et la troupe. Toutefois, gardons-nous ici des généralisations trop abruptes. Mais il semble logique que le goût de la faiblesse, l’excitation nerveuse, la peur de l’enfer, propres au christianisme, anémient un peuple. L’indifférence à la mort des hommes de l’Antiquité, aujourd’hui des musulmans, des Japonais, en fournirait la contre-épreuve."
Et une nouvelle note, ajoutée en 1962, à l’intérieur de cette première note : "Napoléon dit : « La religion chrétienne n’excite point le courage. Comme général, je n’aimais pas les chrétiens dans mes armées. »"
Mes lecteurs perspicaces (pléonasme ?) auront compris où je veux en venir, a fortiori s’ils se souviennent de ma remarque, dans le texte du 11 juin dernier, selon laquelle certaines des critiques de Montherlant pouvaient m’apparaître comme des éloges. D’abord, « le goût de la faiblesse, l’excitation nerveuse » ne me semblent pas essentiellement liés au christianisme. Mais le noeud de la question, et bien sûr l’allusion de Montherlant aux musulmans ne risquait pas de me laisser indifférent, est une question que l’on peut formuler en pastichant Bernanos : le courage, pourquoi faire ? Si c’est pour tuer des gens sur la Promenade des Anglais en sachant que l’on va se faire descendre par les flics à la fin, y a-t-il vraiment de quoi se pâmer ? Citer Napoléon n’est pas non plus insignifiant : avec tous les Français qu’il a menés à la mort avec cynisme ("Une nuit de Paris remplacera tout cela", je cite de mémoire, aurait-il dit en contemplant les monceaux de cadavres laissés par une de ses batailles), est-il permis d’admettre que les qualités de stratège militaire ne sont pas le tout de l’homme, ni du soldat, ni même du général ? Si Napoléon n’aimait pas les chrétiens dans ses armées, peut-être était-ce parce qu’ils se laissaient bourrer le crâne un peu moins facilement que les autres et étaient moins enclins à sacrifier leur peau pour le plaisir du chef… Enfin, comment confondre « courage » et « indifférence à la mort », alors que le courage a plutôt pour fond la peur de la mort et la capacité à la vaincre cette peur ?
Ceci étant dit, on peut suivre Montherlant sur un certain nombre de points, si l’on considère qu’il s’attaque en réalité, qu’il le veuille ou non, aux « idées chrétiennes devenues folles », plutôt qu’au christianisme, lesquelles « idées chrétiennes devenues folles » peuvent effectivement nuire à une « une société dégénérée et débile ». Et certes on ne niera pas qu’une nation a besoin pour survivre de soldats prêts à mourir pour elle. Mais, et je finirai là-dessus, il a probablement tort d’opposer aussi nettement qu’il le fait les chevaliers chrétiens à l’Église, d’autant qu’il n’évoque pas une autre forme de chevalerie, les moines. L’Église et les chevaliers s’opposent sur fond de société chrétienne et de répartition des rôles au sein de cette société chrétienne, les moines prenant en charge l’aspect le plus contemplatif de ladite société, les chevaliers, non sans contraintes donc (contrairement au guerrier musulman, pour qui la fin d’Allah justifie les moyens et tous les excès), assumant le côté guerrier. - Tout cela n’étant pas, est-il besoin de le souligner, de l’ordre seulement théorique ou spéculatif.
lundi 18 juin 2018
Léautaud cite Valéry, qui cite Stendhal.
"Il n’y a que deux choses qui ne s’imitent pas : le courage devant l’ennemi - et l’esprit de conversation."
On ne peut pas non plus faire semblant d’avoir une érection, me permettrais-je d’ajouter, mais on voit l’idée.
dimanche 17 juin 2018
Entendu dans un café.
Dieu sait que je ne pense ni ne dis du mal des comptoirs et des conversations qui s’y déroulent, en tout cas a priori, mais j’ai quand même senti mon sang se glacer, l’autre jour, en entendant une serveuse, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle ne semble pas avoir peur des hommes, et qui serais-je pour l’en blâmer, expliquer à une jeune collègue les conseils prophylactiques qu’elle donne à sa fille (qu’elle élève seule) :
"La capote, il faut la capote, je lui dis… La pilule, ça protège des enfants, pas du Sida."
samedi 16 juin 2018
Bon samedi à vous.
"La seule foi qui me reste, et encore ! c'est la foi dans les Dictionnaires."
Léautaud, Journal littéraire, 27 février 1900.
Léautaud, Journal littéraire, 27 février 1900.
vendredi 15 juin 2018
Des guerres sans fin.
En critiquant le XIXe siècle, Léon Daudet en envoie de belles aux XXe et XXIe :
"Ce qui marque de sottise fondamentale le siècle piteux et funeste, dont nous nous occupons ici, ce n’est pas l’ignorance et l’aveuglement de la masse (à peu près identiques à tous les âges, à quelques différences près), c’est l’ignorance et l’aveuglement de ses organes de direction, de ses conducteurs et de ses chefs, c’est aussi leur débilité dans la décision. L’esprit d’ordre et d’autorité doute de lui-même, ou n’ose pas se déterminer. Les docteurs et théoriciens hésitent, trouvent leur hésitation élégante et font d’elle une règle de vie. Or le doute, lui aussi, est stérile, et sur tous les plans de l’activité humaine. La première victime de l’insanité politique, législative, morale, c’est toujours l’enfant, soit à naître, soit naissant, soit grandissant. Le XIXe siècle commence par se demander s’il faut le procréer, cet enfant, le laisser venir à la lumière du jour. Puis, une fois qu’il est là, s’il faut lui inculquer une foi, la foi de ses ancêtres, s’il n’est pas préférable de lui en inculquer une autre, venue d’Allemagne [le kantisme, note de AMG], cela au nom de l’État. Cet État le sèvre de ses parents, de la conjonction indispensable de ses parents, pour peu que ceux-ci le désirent [allusion à la libéralisation du divorce, id.]. Il le fait grandir dans l’incertitude et dans la confusion familiales. Finalement, au moment où d’enfant, ce jeune Français devient homme, l’État, impérial ou républicain, plébiscitaire, lui remet une feuille de route et l’envoie aux frontières mourir pour la Patrie, sans doute, mais en l’honneur de principes faux, eux-mêmes générateurs de guerres sans fin."
Fermez le ban !
jeudi 14 juin 2018
Parenthèse.
"Apollinaire a aussi raconté ceci (…). Une dame fort jolie, grande admiratrice de Gourmont, c’est elle-même qui l’a raconté à Apollinaire, alla un jour voir Gourmont et se mit toute nue devant lui. Elle voulait, a-t-elle dit à Apollinaire, mettre quelque chose d’agréable dans sa vie solitaire. Gourmont l’arrête, lui dit : « Non. Rhabillez-vous. Vous viendrez un jour cet été… » Il y a là quelque chose de joli, en plus du renseignement psychologique."
Journal littéraire de Léautaud, 18 décembre 1913.
mercredi 13 juin 2018
L'humanité est un luxe, heureusement.
Ayant fini d’écouter l’intervention d’Y. Christen et n’y ayant rien vu de nature à appeler une correction à ce que j’ai écrit hier, je peux enchaîner avec le début du livre de Jacques Laurent, Le nu vêtu et dévêtu, dont les accents ethnologico-religieux-ludiques me rappellent la lecture de Jean-Pierre Voyer et sa sentence fameuse, au moins pour moi : "L’humanité est une cérémonie."
"Si l’homme est vêtu, c’est qu’il l’a bien voulu. Rien n’est plus léger que de placer le vêtement sur le même plan que l’habitation, l’agriculture, l’élevage. La nature exige en effet que l’homme dorme, boive, mange. Elle ne lui fait pas un besoin de se vêtir, sauf sous des climats extrêmes. De même que les Indiens vivent nus en Amazonie, les Méditerranéens vivraient nus encore s’ils n’avaient été sensibles qu’aux impératifs physiologiques. Les besoins de l’imaginaire les harcelèrent aussi impérieusement que ceux du corps. Le vêtement naquit. Inutile mais nécessaire, superflu mais fascinant, il donna en apparaissant la preuve que l’homme savait qu’il n’était pas un animal. C’est entre la naissance de la religion et de l’art qu’il faut placer celle du vêtement et non dans le chapitre des armes, des hameçons et des outils agricoles, bref de l’efficace. Et encore, obligé de choisir, je placerais les premiers dieux dans l’efficace et non le vêtement qui procède du fantasme et en démontre l’impérialisme.
Est vêtement tout ce qui a volontairement changé la peau des hommes, fût-ce un trait de peinture. Car le vêtement fut d’abord un ornement. Sur le flanc des poteries l’homme traça des zébrures et, de même, sur sa peau. Un même génie l’avait poussé à dessiner sur des parois de pierre et sur sa propre chair. Avec emportement, il considéra ces activités de luxe comme primordiales et d’une importance égale à celles qui lui permettaient de survivre."
"Nous savons que l’homme est un faiseur d’outils, son cerveau lui en donnait le pouvoir et nous n’avons pas de mal à comprendre pourquoi une charrue ou une arme a évolué. Ces modifications se sont déroulées dans un rationnel auquel l’histoire du vêtement reste rebelle. On peut expliquer fonctionnellement l’armure du chevalier, la tunique du plongeur parce qu’elles sont des outils mais on passe en un autre monde dès que l’on assiste à l’apparition du hennin, des talons hauts ou de la cravate. Ce n’est pas la même part de l’homme qui inspire la conception de la hache et celle du tatouage. Dès le tatouage, l’homme prouvait son refus d’accepter les apparences que la nature lui avait fixées.
Il se jetait à corps perdu dans une aventure mue par la seule imagination. Celle-ci lui a noyé la tête sous les plumes comme un oiseau, ou grâce à un casque cornu, lui a offert le front d’un bison ; elle a affûté ses talons en aiguilles, tantôt gonflant ses épaules, tantôt empennant ses hanches, tantôt le plissant comme une colonne dorique ou corinthienne, tant lui greffant une queue de pie. Rien ne l’y obligeait mais le goût d’exercer sa liberté et son pouvoir le poussait, et sans doute aussi son angoisse."
Bien sûr, on peut tirer de tout cela des considérations amères ou emportées à l’égard des matérialistes de tous bords, qui réduisent l’homme à ses besoins et à son animalité, matérialistes capitalistes ou anticapitalistes qui trouvent à satisfaire leurs pulsions dans le remplacisme actuel. (Je n’implique pas, au moins en première instance, Éléments, où l’on a toujours été au contraire sensible à la variété des formes existantes, dans cette critique très globale.) On peut aussi rappeler que le pays le plus peuplé du monde (1/6e d’entre nous), la Chine, est gouverné par des principes matérialistes, à la fois communistes et capitalistes. Mais je m’étais promis d’en rester aujourd'hui aux images positives de Jacques Laurent et à cette conscience de la dignité du luxe (si après cela vous croyez que le luxe est surtout une question d’argent… relisez tout ceci, et enquillez-vous Malinowski pour la peine), je m’arrête donc.
mardi 12 juin 2018
Obscurantiste.
"L’homme n’étant pas autre chose qu’un animal, n’est-ce pas… L’homme n’est pas un animal et autre chose. C’est un animal, et qui plus est, c’est un singe, il n’y a pas de discours là-dessus. C’est un grand singe, qui appartient au même groupe de grands singes que le bonobo et le chimpanzé, avec d’ailleurs à peu près le même patrimoine génétique. "
Je continuerai cette vidéo je le promets, pour écouter tout ce que M. Yves Christen a à dire sur le sujet, mais je blogue derechef en réaction à ces phrases (11’ et suite), d’autant plus derechef que j’avais prévu pour aujourd’hui la transcription d’un texte de Jacques Laurent sur le vêtement, et que ces thématiques s’entrecroisent. Si Yves Christen avait raison, si l’homme n’était pas « un animal et autre chose », mais seulement un animal, eh bien tous ces intellectuels compétents et intelligents feraient leur émission à poil, notre docte scientifique, au patrimoine génétique « à peu près le même » que celui d’un singe, autant que les autres, au lieu d'avoir pris la peine d'apparaître en costume-cravate. Sans continuer le raisonnement (on n’a pas encore vu de bonobo mettre au point une caméra de télévision, etc.), on voit sur quelle faille je mets le doigt. - Permettons-nous pour illustrer encore notre propos et pour finir, une métaphore dictée par le contexte actuel : imaginer des chimpanzés tenir un discours sur la différence entre animalité et humanité, et sur ce que le présentateur appelle un « préjugé humaniste » sur la différence radicale entre celle-ci et celle-là, c’est à peu près comme imaginer des musulmans tenir un discours sur la laïcité ou le catholicisme, d’un point de vue laïc, ou d’un point catholique. - Encore un musulman peut-il, il paraît, abjurer ou se convertir…