A Caligula, Caligula et demi.
Ajout le lendemain.
On dit que Rioufol est ma « tête » (je n'ose pas dire de Turc, il se vexerait), mais l'ai-je forcé à écrire, à propos de l'intervention « humanitaire » de la France en Libye, cette phrase :
"Ouvrant le feu, samedi à 17h45, contre des blindés de ce Caligula, la France a retrouvé un peu de son honneur et de ses idéaux, en frappant un tyran qui l'avait humiliée à plusieurs reprises, notamment en plantant sa tente à deux pas de l'Elysée."
La plume même du meilleur peut certes déraper, mais cette sentence aurait une belle place dans une anthologie de la connerie et de la bassesse. On a les « rossignols du massacre » que l'on mérite, et de ce point de vue il faut bien avouer qu'entre un Président ridicule, un écrivain et cinéaste aussi nul que prétentieux
(il y a une justice : deux semaines après leur sortie les livres de BHL sont déjà proposés à 50 cm chez les soldeurs - dix ou vingt ans après leur parution ceux de Nabe sont volés dans les bibliothèques municipales, se vendent à 150 euros pour certains sur le net : il existe bien quelque chose comme un verdict du public, qui ne repose pas sur rien)
, et un barde stupide et peu inspiré tel que le Rioufol, il y a là une sainte trinité de la vanité et de la nullité qui ne manque pas de cohérence. Si tout cela était du jeu et pas de la politique de chair et de sang, on en rirait - ou peut-être est-ce le contraire, peut-être est-ce justement parce que c'est du « vrai » que cela peut et doit faire rire. A cela deux raisons : si c'était « pour de faux », cela n'aurait guère d'intérêt, nos trois assassins ne seraient pas différents des ados qui tuent plein de monde sur la Playstation ; et c'est justement le fait qu'ils ne comprennent pas que ce n'est pas ici de la Playstation qui est, à sa façon, drôle.
(On se désolera en passant que N. Dupont-Aignan, qui me semblait jusqu'ici d'assez bon sens, ait cru bon de se joindre au choeur des va-t-en guerre, mais depuis le début je me méfiais de sa gueule de puceau-premier de la classe : voilà, au premier problème un peu complexe, certaines vérités se dévoilent. - Notons que j'avais d'abord, lors de mon premier jet, mis un lien vers ce texte là où je l'avais lu, sur ce site, et qu'il en a été entretemps supprimé. Quelqu'un parmi les « gaullistes » s'est mis à réfléchir ?)
Je renonce à commenter dans toutes ses implications la phrase de Rioufol, et notamment sa conception rigoriste de la loi du talion (ce n'est plus même « pour un oeil, toute la gueule », mais « pour un oeil, une dizaine de Rafale »), qui ferait passer l'esprit originel de cette « loi » pour un modèle d'humanisme, ou sa haine mal dissimulée du Bédouin. Je note juste que si la France a bien été humiliée par M. Khadafi lors de son dernier voyage, c'est en grande partie à travers et grâce à Nicolas Sarkofumier, et que personne à part un illuminé comme Rioufol ne peut voir dans le bombardement du pays un châtiment à la mesure de cette offense (assez drôle par ailleurs : cela n'exonère pas M. Khadafi de ses crimes, mais il y a chez lui un certain esprit que l'on serait bien en peine de trouver chez Sarkon et sa raideur de parvenu peu sûr de lui).
Peut-être trouvera-t-on que j'en fais beaucoup pour une simple incise, mais pourquoi ne pas la prendre au premier degré ? Ce n'est même pas que les pulsions d'Ivan Rioufol s'y révèlent plus qu'ailleurs, elles sont assez clairement exposées à longueur d'articles, c'est que cette phrase, prise dans son sens premier (et, après tout, n'est-ce pas le moins que l'on doit à un auteur que de le lire pour ce qu'il veut dire ?), pousse jusqu'à l'absurde les raisonnements habituels de notre chroniqueur préféré. Et quand on chante la guerre, quand on applaudit à la mort, ne doit-on pas faire un minimum attention à ce qu'on écrit ? On n'ira pas jusqu'à écrire qu'appeler au massacre est légitime si l'on a du style, mais au moins, en ce cas, se hisse-t-on quelque peu à la hauteur de son sujet, au lieu de donner cette risible impression de faire sous soi sa haine de l'Autre.
- Par ailleurs et pour finir, en laissant Ivan le pas terrible de côté, on s'amusera à réfléchir aux implications distrayantes que peut avoir le concept utilisé par l'ONU pour justifier l'intervention, la protection des populations contre leurs gouvernants. Le peuple français aurait ainsi bien besoin d'être protégé de Sarkoracaille, un Poutine pourrait de bonne foi chercher à nous en débarrasser, dans un renouvellement audacieux quoiqu'un peu brusque de l'alliance franco-russe. Et les Libyens, un jour, du moins ce qu'il en restera après le double traitement de choc khadafio-lévyen, les Libyens qui connaissent leur Berlusconi, devraient s'aviser de son rôle nocif pour le peuple italien et balancer quelques bombes (de fabrication française ? j'ai oublié d'évoquer les armes françaises dans cette histoire...) sur Rome, pendant que les gardes suisses, envoyés par un Benoît XVI lui-même las des frasques de Silvio, lanceraient l'insurrection terrestre... Bien évidemment, les États-Unis déclencheraient, enfin, la guerre contre la Chine et son régime de potentats autoritaires qu'un milliard d'êtres humains attendent avec impatience - tout en risquant d'être attaqués dans le dos par Chavez et Ahmadinejad, qui, ne pouvant plus supporter l'injuste misère du peuple américain réduit à la pauvreté par Wall Street, mettraient sur pied une coalition militaire dirigée par Alain « Che » Soral. Maurice G. Dantec, toujours plus courageux que le reste du monde, envahirait crânement, à lui tout seul, l'Iran et l'Afghanistan. On n'entendrait bientôt plus parler de lui, comme maintenant. Les Israéliens, devant ces tristes spectacles, décideraient de s'auto-génocider, dans un éclair de lucidité mêlé à une forme de fierté à ne pas laisser à d'autres moins doués qu'eux la joie de faire ce travail.
Enfin du fun ! Lévy, Rioufol et Sarkonyahou, finalement, ont raison : le monde réel, c'est plus drôle que la Playstation...
(Au cas où : pour être plus « constructif », voici l'essentiel des arguments contre cette guerre, résumés par Jean Bricmont, et que je partage dans une grande mesure - tout en étant un peu surpris par le dernier paragraphe et son apologie du « doux commerce » cher à Benjamin Constant. Mais ce n'est pas le plus important en l'espèce.)
Ajout le 26.03.
Je lis qu'Emmanuel Todd "approuve" la guerre en Libye. C'est foutrement dommage. Cet avis donné en une simple incise, sans argument, dans une interview par ailleurs plutôt intéressante n'appelle pas de commentaire : je le signale surtout pour montrer que, hélas ou pas hélas, et comme des conversations privées avec des amis me l'avaient déjà montré, il n'y a pas que des cons ou des manipulateurs qui soient favorables à cette manoeuvre. C'est la vie !
On dit que Rioufol est ma « tête » (je n'ose pas dire de Turc, il se vexerait), mais l'ai-je forcé à écrire, à propos de l'intervention « humanitaire » de la France en Libye, cette phrase :
"Ouvrant le feu, samedi à 17h45, contre des blindés de ce Caligula, la France a retrouvé un peu de son honneur et de ses idéaux, en frappant un tyran qui l'avait humiliée à plusieurs reprises, notamment en plantant sa tente à deux pas de l'Elysée."
La plume même du meilleur peut certes déraper, mais cette sentence aurait une belle place dans une anthologie de la connerie et de la bassesse. On a les « rossignols du massacre » que l'on mérite, et de ce point de vue il faut bien avouer qu'entre un Président ridicule, un écrivain et cinéaste aussi nul que prétentieux
(il y a une justice : deux semaines après leur sortie les livres de BHL sont déjà proposés à 50 cm chez les soldeurs - dix ou vingt ans après leur parution ceux de Nabe sont volés dans les bibliothèques municipales, se vendent à 150 euros pour certains sur le net : il existe bien quelque chose comme un verdict du public, qui ne repose pas sur rien)
, et un barde stupide et peu inspiré tel que le Rioufol, il y a là une sainte trinité de la vanité et de la nullité qui ne manque pas de cohérence. Si tout cela était du jeu et pas de la politique de chair et de sang, on en rirait - ou peut-être est-ce le contraire, peut-être est-ce justement parce que c'est du « vrai » que cela peut et doit faire rire. A cela deux raisons : si c'était « pour de faux », cela n'aurait guère d'intérêt, nos trois assassins ne seraient pas différents des ados qui tuent plein de monde sur la Playstation ; et c'est justement le fait qu'ils ne comprennent pas que ce n'est pas ici de la Playstation qui est, à sa façon, drôle.
(On se désolera en passant que N. Dupont-Aignan, qui me semblait jusqu'ici d'assez bon sens, ait cru bon de se joindre au choeur des va-t-en guerre, mais depuis le début je me méfiais de sa gueule de puceau-premier de la classe : voilà, au premier problème un peu complexe, certaines vérités se dévoilent. - Notons que j'avais d'abord, lors de mon premier jet, mis un lien vers ce texte là où je l'avais lu, sur ce site, et qu'il en a été entretemps supprimé. Quelqu'un parmi les « gaullistes » s'est mis à réfléchir ?)
Je renonce à commenter dans toutes ses implications la phrase de Rioufol, et notamment sa conception rigoriste de la loi du talion (ce n'est plus même « pour un oeil, toute la gueule », mais « pour un oeil, une dizaine de Rafale »), qui ferait passer l'esprit originel de cette « loi » pour un modèle d'humanisme, ou sa haine mal dissimulée du Bédouin. Je note juste que si la France a bien été humiliée par M. Khadafi lors de son dernier voyage, c'est en grande partie à travers et grâce à Nicolas Sarkofumier, et que personne à part un illuminé comme Rioufol ne peut voir dans le bombardement du pays un châtiment à la mesure de cette offense (assez drôle par ailleurs : cela n'exonère pas M. Khadafi de ses crimes, mais il y a chez lui un certain esprit que l'on serait bien en peine de trouver chez Sarkon et sa raideur de parvenu peu sûr de lui).
Peut-être trouvera-t-on que j'en fais beaucoup pour une simple incise, mais pourquoi ne pas la prendre au premier degré ? Ce n'est même pas que les pulsions d'Ivan Rioufol s'y révèlent plus qu'ailleurs, elles sont assez clairement exposées à longueur d'articles, c'est que cette phrase, prise dans son sens premier (et, après tout, n'est-ce pas le moins que l'on doit à un auteur que de le lire pour ce qu'il veut dire ?), pousse jusqu'à l'absurde les raisonnements habituels de notre chroniqueur préféré. Et quand on chante la guerre, quand on applaudit à la mort, ne doit-on pas faire un minimum attention à ce qu'on écrit ? On n'ira pas jusqu'à écrire qu'appeler au massacre est légitime si l'on a du style, mais au moins, en ce cas, se hisse-t-on quelque peu à la hauteur de son sujet, au lieu de donner cette risible impression de faire sous soi sa haine de l'Autre.
- Par ailleurs et pour finir, en laissant Ivan le pas terrible de côté, on s'amusera à réfléchir aux implications distrayantes que peut avoir le concept utilisé par l'ONU pour justifier l'intervention, la protection des populations contre leurs gouvernants. Le peuple français aurait ainsi bien besoin d'être protégé de Sarkoracaille, un Poutine pourrait de bonne foi chercher à nous en débarrasser, dans un renouvellement audacieux quoiqu'un peu brusque de l'alliance franco-russe. Et les Libyens, un jour, du moins ce qu'il en restera après le double traitement de choc khadafio-lévyen, les Libyens qui connaissent leur Berlusconi, devraient s'aviser de son rôle nocif pour le peuple italien et balancer quelques bombes (de fabrication française ? j'ai oublié d'évoquer les armes françaises dans cette histoire...) sur Rome, pendant que les gardes suisses, envoyés par un Benoît XVI lui-même las des frasques de Silvio, lanceraient l'insurrection terrestre... Bien évidemment, les États-Unis déclencheraient, enfin, la guerre contre la Chine et son régime de potentats autoritaires qu'un milliard d'êtres humains attendent avec impatience - tout en risquant d'être attaqués dans le dos par Chavez et Ahmadinejad, qui, ne pouvant plus supporter l'injuste misère du peuple américain réduit à la pauvreté par Wall Street, mettraient sur pied une coalition militaire dirigée par Alain « Che » Soral. Maurice G. Dantec, toujours plus courageux que le reste du monde, envahirait crânement, à lui tout seul, l'Iran et l'Afghanistan. On n'entendrait bientôt plus parler de lui, comme maintenant. Les Israéliens, devant ces tristes spectacles, décideraient de s'auto-génocider, dans un éclair de lucidité mêlé à une forme de fierté à ne pas laisser à d'autres moins doués qu'eux la joie de faire ce travail.
Enfin du fun ! Lévy, Rioufol et Sarkonyahou, finalement, ont raison : le monde réel, c'est plus drôle que la Playstation...
(Au cas où : pour être plus « constructif », voici l'essentiel des arguments contre cette guerre, résumés par Jean Bricmont, et que je partage dans une grande mesure - tout en étant un peu surpris par le dernier paragraphe et son apologie du « doux commerce » cher à Benjamin Constant. Mais ce n'est pas le plus important en l'espèce.)
Ajout le 26.03.
Je lis qu'Emmanuel Todd "approuve" la guerre en Libye. C'est foutrement dommage. Cet avis donné en une simple incise, sans argument, dans une interview par ailleurs plutôt intéressante n'appelle pas de commentaire : je le signale surtout pour montrer que, hélas ou pas hélas, et comme des conversations privées avec des amis me l'avaient déjà montré, il n'y a pas que des cons ou des manipulateurs qui soient favorables à cette manoeuvre. C'est la vie !
Libellés : Ahmadinejad, Berlusconi, Bernard-Henry Lévy, Bricmont, Chavez, Constant, Dantec, Dupont-Aignan, Khadafi, Nabe, Poutine, Rioufol, Soral, Todd