samedi 30 janvier 2010

4500 euros, "fraternellement"...

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Oui, 4500, c'est le prix à payer pour cette « fraternité », actuellement sur e-bay... Les gars qui ont mis ça en vente, courageux mais pas téméraires, n'ont pas osé affronter le jugement du public : à 1 euro aux enchères comme prix de départ, ça aurait eu de la gueule, et on aurait vu ce qu'une telle merveille vaut... En tout cas, moi qui rougirais de vous demander un euro - ah, ces blogueurs qui mendient... Salauds de pauvres ! -, j'avoue sans honte que si vous avez 4500 euros à perdre, ou à blanchir, j'apprécierais le cadeau !

- C'est dans la devise de la République, après tout.

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mercredi 27 janvier 2010

"Une barbarie vraiment démocratique..."

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Ayant eu la chance de trouver un exemplaire du petit livre de Maurras, L'avenir de l'intelligence (1905 ; ici, L'Age d'Homme, 2002), je me suis empressé de le lire. Je reviendrai sur certains points, je ne vous retranscris aujourd'hui que la partie la plus prophétique du livre - un hommage à la clairvoyance de l'auteur.

Je rappelle que l'« intelligence » désigne ici le monde intellectuel (journalistes, écrivains...), et que le fil conducteur du livre est la description de la façon dont l'Intelligence française s'est laissée peu à peu, depuis le XVIIIe siècle, enchaîner plus ou moins ouvertement et consciemment par l'Argent. Après avoir estimé qu'il n'était pas impossible que certaines aristocraties anciennes ou nouvelles ("les meilleurs éléments du prolétariat manuel") trouvent dans l'avenir un terrain d'entente avec les forces de la finance, ce qui, un siècle après, et sauf à enlever au mot aristocratie toute connotation qualitative, semble quelque peu optimiste, Maurras précise que si une telle alliance devait se conclure, elle n'arrangerait en rien la situation de l'Intelligence, laquelle de toutes façons :

"restera avilie pour longtemps ; notre monde lettré, qui paraît si haut aujourd'hui, aura fait la chute complète, et, devant la puissante oligarchie qui syndiquera les énergies de l'ordre matériel, un immense prolétariat intellectuel, une classe de mendiants lettrés comme en a vu le Moyen Age [les « intellos précaires »], traînera sur les routes de malheureux lambeaux de ce qu'auront été notre pensée, nos littératures, nos arts.

Le peuple en qui l'on met une confiance insensée se sera détaché de tout cela, avec une facilité qu'on ne peut calculer mais qu'il faut prévoir. C'est sur un bruit qui court que le peuple croit à la vertu de l'intelligence ; ceux qui ont fait cette opinion ne seront pas en peine de la défaire.

Quand on disait aux petites gens qu'un petit homme, simple et d'allures modestes, faisait merveille avec sa plume et obtenait ainsi une gloire immortelle, ce n'était pas toujours compris littéralement, mais le grave son des paroles faisait entendre et concevoir une destinée digne de respect, et ce respect tout instinctif, ce sentiment presque religieux étaient accordés volontiers. L'éloge est devenu plus net quand, par littérature, esthétique ou philosophie, on a signifié gagne-pain, hautes positions, influence, fortune. Ce sens clair a été trouvé admirable, et il est encore admiré. Patience et attendez la fin. Attendez que Menier et Géraudel [Menier, des chocolats, Géraudel, des pastilles : industriels richissimes que Maurras prend pour emblèmes de la différence de pouvoir et de puissance financière entre capitalistes et gens de lettres : un Dumas, un Zola, ne leur arrivent pas à la cheville] aient un jour intérêt à faire entendre au peuple que leur esprit d'invention passe celui de Victor Hugo, puisqu'ils ont l'art d'en retirer de plus abondants bénéfices !


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Le peuple ne manque pas de générosité naturelle. Il est pas disposé à « tout évaluer en argent ». Mais lui a-t-on dit de le faire, il compte et compte bien. Vous verrez comment il saura vous évaluer. Le meilleur, le moins bon, et le pire de nos collègues sera classé exactement selon la cote de rapport.

Jusqu'où pourra descendre, pour regagner l'estime de la dernière lie du peuple, ce qu'on veut bien nommer « l'aristocratie littéraire », il est aisé de l'imaginer. Le lucre conjugué à la basse ambition donnera ses fruits naturels.

Littérature deviendra synonyme d'ignominie. On entendra par là un jeu qui peut être plaisant, mais dénué de gravité, comme de noblesse. Endurci par la tâche, par la vie au grand air et le mélange du travail mécanique et des exercices physiques, l'homme d'action rencontrera dans cette commune bassesse des lettres et des arts de quoi justifier son dédain, né de l'ignorance. S'il a de la vertu, il nommera aisément des dépravations les raffinements du goût et de la pensée. Il conclura à la grossièreté et à l'impolitesse, sous prétexte d'austérité. C'en sera fait dès lors de la souveraine délicatesse de l'esprit, des recherches du sentiment, des graves soins de la logique et de l'érudition. Un sot naturalisme jugera tout. Le bon parti aura ses Vallès, ses Mirbeau, hypnotisés sur une idée du bien et du mal conçue sans aucune nuance, appliquée fanatiquement. Des têtes d'iconoclastes à la Tolstoï


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Le Moulin du Mougin


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se dessinent sur cette hypothèse sinistre, plus qu'à demi réalisée autour de nous... Mais, si l'homme d'action brutale qu'il faut prévoir n'est point vertueux, il sera [=il existera un phénomène] plus grossier encore : l'art, les artistes se plieront à ses divertissements les plus vils, dont la basse littérature des trente ou quarante dernières années, avec ses priapées sans goût ni passion, éveille l'image précise. Cet homme avilira tous les êtres que l'autre n'aura pas réunis.


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Le patriciat dans l'ordre des faits, mais une barbarie vraiment démocratique dans la pensée, voilà le partage des temps prochains :


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(C'est l'histoire de deux goys qui déshonorent le judaïsme et poussent à l'antisémitisme...)


le rêveur, le spéculatif pourront s'y maintenir au prix de leur dignité ou de leur bien-être ; les places, le succès ou la gloire récompenseront la souplesse de l'histrion : plus [que] jamais, dans une mesure inconnue aux âges de fer, la pauvreté, la solitude, expieront la fierté du héros et du saint : jeûner, les bras croisés au-dessus du banquet, ou, pour ronger les os, se rouler au niveau des chiens." (pp. 101-103)

- Le rêve !


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vendredi 22 janvier 2010

Ça vaut mieux que d'attraper la scarlatine... (Nigger of the day, VI)

Ça vaut surtout mieux que de penser à Arno Klarsfeld à Haïti... A propos, saviez-vous que c'est un juif qui avait inventé les chambres à gaz ? Long live life !


Allez, je la ferme :




- Cette version de Caravan, si elle ne vaut pas la précédente, se laisse certes écouter.

Bonne nuit les petits !

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mercredi 20 janvier 2010

"Il n'y a pas de presse !"

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Voici une longue et belle citation extraite du Maurras de P. Boutang - écrit en 1984. Presque pas de photos aujourd'hui (ce seraient toujours les mêmes enculés... on s'en lasse ! - pas de femme nue non plus, ne courez pas en fin de texte vous rincer l'oeil), mais quelques clarifications préliminaires :

- les citations entre guillemets sont de Maurras dans son livre
L'avenir de l'Intelligence (1905) ;

- l'« Intelligence » dont il est ici question désigne le monde dit intellectuel : artistes, écrivains, journalistes...

- le « Sang » que Maurras va opposer à l'Argent ne doit pas selon Boutang être pris dans un sens biologique, racialiste : il s'agit des forces de pouvoir traditionnelles, transmises au fil du temps. J'y reviens en commentaire ;

- au cas où vous ne le sauriez pas, Boutang était royaliste ;

- il était aussi, peut-être en parlerai-je plus précisément un jour, sioniste. Cela ne donne que plus de poids à mes yeux au passage sur les rapports entre Israël et Mai 68 (il se fait le relais d'une thèse que j'avais évoquée ici) ;

- j'ai quelque peu modifié la ponctuation par endroits à fins de clarté et effectué une insignifiante petite coupure, non signalée.

Bonne lecture !



"Ceux qui ont reproché à Maurras, et par suite à l'Action française, leur méconnaissance des réalités économiques, feraient bien de prendre garde à ceci : l'économie, à son point d'arrivée, le panier de la ménagère, coordonne ou répercute des faits et des lois assez simples que l'extrême richesse, « anonyme et vagabonde », a toujours eu le plus grand intérêt à cacher et à fausser. L'instrument le plus puissant de cette falsification et de ce secret, dans le monde moderne, s'est tout de suite installée en un statut étrange : la presse est méprisée par ceux mêmes en qui elle détermine l'opinion ; elle n'est tenue pour libre par aucun de ceux qui la laissent pénétrer et dissoudre leurs foyers, et aidée aujourd'hui des autres « moyens de masse », pourrir et abrutir leurs enfants. Le premier fait économique était donc l'asservissement du « gros animal », comme dit Platon, et de son organe de jugement l'Opinion publique - la partie basse de l'Intelligence - à la force de l'Argent. Force secrète, dans ses moyens, les courroies de sa transmission, mais secret public comme l'opinion est publique ; la modalité la plus efficace de la servitude s'appelle même « publicité ». Libérer l'Intelligence, même la plus vulgaire, c'est, du même coup, libérer les intérêts économiques de la prétention à régner, non selon leur poids réel (il a, après tout, le droit de la force) mais à partir de leur instrument de mesure qui ne devient pas sans aliénation et crime moyen de puissance, ou plutôt de souveraineté.

A côté de la domination directe de l'argent, celle de l'Étranger au moyen de l'argent : Maurras n'est pas revenu sur le mécanisme que Barrès décrit dans Leurs figures et qui met surtout en cause la profession parlementaire. Il écarte « l'argent du roi de Perse » ou « la cavalerie de saint Georges » comme ultime raison historique, mais donne deux exemples : les distributions d'or anglais en France, pour les campagnes de presse, de 1852 à 1859, en faveur de l'Unité italienne. Le fait n'est plus contesté, l'explication en est difficile : l'esprit public, le choix de Napoléon III, suffiraient semble-t-il. L'autre cas, non moins certain, est plus frappant (et Maurras aura l'occasion, entre 1905 et 1914, comme entre les deux guerres mondiales, d'en dénoncer bien d'autres de même sorte), c'est celui des arrosages de la presse française par Bismarck après Sadowa : « la Prusse eut la paix tant qu'elle paya, et, quand elle voulut la guerre, elle supprima les subsides ». Ce qui paraissait scandaleux et inavouable en 1905, Maurras a vécu assez longtemps pour le voir devenir l'objet d'une tolérance générale : les libéralités des États étrangers n'ont pas cessé, se sont même accrues, et la guerre civile planétaire leur a donné de nobles excuses ; les syndicats et les partis à dimensions internationales ont amélioré encore le niveau de vie des journalistes bien de chez nous ; recevoir, directement ou non, de l'argent étranger est devenu aussi anodin que la consommation du whisky ou de la vodka. Cela pouvait se prévoir. Notre auteur ne s'indignait pas : « c'est à la Patrie de se faire une presse, nullement à la presse, simple entreprise industrielle, de se vouer au service de la Patrie. Ou plutôt, Patrie, Presse, tout cela est de la pure mythologie. Il n'y a pas de Presse, mais des hommes qui ont de l'influence sur la presse (...) menés en général par des intérêts privés et immédiats. » Le patriotisme est une vertu, ce n'est ni une conduite spontanée, ni une opinion qui oblige ; il est absurde de spéculer, pour le salut d'un pays, sur sa présence dans l'ensemble ou la majorité des citoyens ; de sorte qu'« une patrie destinée à vivre est organisée de manière à ce que ses obscures nécessités de fait soient senties promptement dans un organe approprié, cet organe étant en mesure d'exécuter les actes qu'elles appellent... » Un État démocratique, parlementaire ou plébiscitaire dépend de sa presse, plus ou moins. Nous l'avons vérifié, même avec de Gaulle, malgré l'intention monarchique du régime qu'il avait fondé, et malgré sa légende. Qu'on le regrette ou non : sa chute en 1969 fut une conséquence - comme, pour l'essentiel, la révolution des transistors, en mai 1968 - de la position qu'il avait prise devant la guerre des Six jours, face à Israël. Je crois que cette position était erronée, je l'écrivis sur le moment ; mais comment admettre l'entreprise de revanche qui suivit, le consentement au « parricide » dans les organes de presse jusque là respectueux ou zélés ? Le « tournant » fut une tournée, une grande distribution d'argent, comme il allait y en avoir bien d'autres, diversement orientées, à l'occasion du conflit du Proche-Orient : que d'organismes de presse et d'édition pourraient faire faillite, aujourd'hui même, si les Émirats cessaient de payer ! La prévision était donc presque trop modeste : la Presse est devenue, peut-être depuis Badinguet, et toujours plus, une « machine à gagner de l'argent et à en dévorer », un « mécanisme sans moralité, sans patrie et sans coeur ». Les hommes qui tiennent en état cette machine « sont des salariés, c'est-à-dire des serfs, ou des financiers, c'est-à-dire des cosmopolites. » La conclusion du chapitre pouvait donc être empruntée à Anatole France et à son Mannequin d'osier : « la Finance est aujourd'hui une puissance et l'on peut dire d'elle ce qu'on disait autrefois de l'Église, qu'elle est parmi les nations une illustre étrangère ». Est-ce toujours vrai en 1984 ? Oui, mais en pire, car la tyrannie tient la moitié du monde, et le dollar tient l'autre : illustres étrangers, apparents ennemis, mais que l'on ne peut plus dire « entre les nations ».

Un premier indice de l'issue, où la question particulière du sort de la littérature s'estompe devant celle du salut de la nation qui lui est si affreusement lié : alors qu'en France « l'Intelligence nationale pouvait être tournée contre l'Intérêt national quand l'or étranger le voulait », il n'est était pas de même partout en Europe : en Allemagne ni en Angleterre, l'Argent ne pouvait constituer le Chef de l'État ; « quelles que soient les influences financières, voilà un cercle étroit et fort qu'elles ne pénétreront pas. Ce cercle a sa loi propre, irréductible aux forces de l'Argent, inaccessible aux mouvements de l'opinion : la loi naturelle du Sang. » Au contraire, nos gouvernements modernes - issus d'un suffrage universel qui est bien, selon le mot de Péguy, mais sans qu'il soit possible de s'en faire une raison à cause des sacrifices prodigués pour l'obtenir, une formalité truquée - continuent d'exercer tous les anciens pouvoirs légitimés par le sang, mais leurs administrations agissent dans l'intérêt de l'Argent, maître invisible de l'État : « L'État-argent régente ou surveille nos différents corps et compagnies littéraires et artistiques (...) Il tient de la même manière plusieurs mécanismes par lesquels se publie, se distribue et se propage toute pensée. » (Sur ce point Maurras venait à la suite de Drumont, dont il faut lire, dans La fin d'un monde, les pages vengeresses sur le « trust » Hachette.) « L'État-argent administre, dore et décore l'Intelligence, mais il la musèle et l'endort. Il peut, s'il le veut, l'empêcher de connaître une vérité politique, et, si elle voit cette vérité, de la dire, et, si elle la dit, d'être écoutée et entendue. » Mais l'Action française n'a-t-elle pas surmonté ces obstacles ? Partiellement ; et si un moment elle fut écoutée et entendue, une victoire sanglante et gâchée [1918], puis une défaite méritée par l'imprévoyance criminelle de cet État-argent [1940], lui ont interdit, non pas de s'inscrire dans la réalité de ce second demi-siècle, mais de produire ses conséquences salutaires plus vite que ne s'épuisaient les réserves de la nation." (pp. 295-298)


Un seul commentaire : je ne sais pas ce qu'il en était pour l'Allemagne de 1905, mais Maurras me semble surestimer l'importance du « Sang » chez les Anglais - en réalité, à cette époque, cela fait déjà un certain temps qu'outre-Manche « Sang » et « Argent » marchent main dans la main - ce qui, il est vrai, peut diminuer les ingérences extérieures telles qu'il les décrit pour la France, mais c'est parce que le sale boulot est fait de l'intérieur. Et ne parlons pas des États-Unis, à qui l'Angleterre (c'est une histoire que je dois vous raconter depuis longtemps... J'essaie de le faire un de ces jours !) a confié le relais, et où, dès leur création, et plus encore depuis la guerre de Sécession, l'« Argent » prend toute la place, où l'« Argent » est le « Sang »...


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De l'esclavage à l'esclavage salarié...


Quant à la situation de l'Allemagne et de l'Angleterre actuelles, point n'est besoin d'épiloguer sur la place qu'y tient l'« Argent ». Ni sur le fait que, « dissolvant universel », il ne détruise tout sur son passage...


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Tout ça pour ça !


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dimanche 17 janvier 2010

"Je croyais, moi aussi..." - A l'assaut !

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- Ça fait toujours du bien par où ça passe :

"Le XXe siècle s'est achevé après cinquante ans d'existence. On ne sait plus quoi faire des cinquante ans qui nous restent. Nous sommes les passagers lâchés d'une loco supersonique. Comment rivaliser ? Comment être plus modernes que nos arrières-grands-pères ? Le XXe est passé plus vite qu'une balle boche. L'Homme n'est pas à la hauteur, en rien.


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(...)

C'est lorsque je me prends à ressentir une vague impression de considérable désespoir, un déchirement dramatique en entendant une chanson rock aux ridicules romantiques larmoiements yankees, aux psychédéliques sirupeuses fausses démences écoeurantes, ou ces sortes de danses de basses déprimantes (la guitare basse est pour moi l'un des principaux symboles de la vulgarité de ce monde), gonflées de décibels, ces marteaux pilons, tous ces nasillards synthés sur lesquels les trois quarts des êtres humains se donnent l'illusion du rythme, alors qu'ils ne font que la parodie involontaire du pas cadencé, que je me rends compte que je vis ici, dans l'époque abjecte des discothèques à lasers, des tristes figures épanouies, des paumés dangereux, des étudiants aux pattes rasées, des cravates limaces et de cette jeunesse prolongée, déodorisée, en éclosion totale de poncifs et prête à tout pour s'abrutir sans même le savoir.


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Entre autres raisons, si les jeunesses sont irrévocablement foutues, c'est que trois générations maintenant ont grandi dans des berceaux remplis au ras bord de ce Rock Fangeux, cette pacotille sonore, cette caricature aux pauvretés si grotesques que les jazzmen en pissaient de rire et qu'aujourd'hui la vulgarité et le culot des nostalgies ont érigé en Culture dans les préaux de toutes les maternelles.

Je croyais, moi aussi, qu'il serait bon que le monde revienne d'une façon ou d'une autre à la Religion, aux Classiques et à la Propreté. J'ai déchanté dans un glaviot. Révolté toute mon indicible jeunesse contre les hideux hippies de ma génération, ces romantiques dégoulinants et mous, pops et flous - je me suis fait honnir pendant dix ans en affichant (chapeauté et cravaté dès mes quatorze ans) des mythes qui depuis longtemps avaient été ligaturés comme des trompes. Mon allure détonnait.


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Ce ne sont même plus ces détonations que je me propose de rapporter ici, mais l'impossibilité écoeurée et coléreuse de comparer les larves d'hier à celles d'aujourd'hui. Les années quatre-vingt s'ouvrent sur un virage, un fatal virage. Déjà certains « bolides » croient couper la route. C'est faux. La boucle est bouclée. Plus de Lois à défoncer. Plus de révolte possible. Plus d'intérêt pour rien. Plus de sentiments ni de désirs. Plus d'idée. Plus de talent. Plus de moyens pour en avoir. Ni pour le montrer. Plus de disciplines, tous les arts en sont pleins. Juste un tube, très étroit, très restreint pour exprimer cette carence grandiose, cette indigence sur fond de faux luxe libéré. La fin du monde est passée. Voilà ce que nous en avons fait."


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(M.-É. Nabe, Au régal des vermines, 1985, pp. 127-128.)

Le début, outre cette figure du train qui décidément en ce moment nous poursuit, évoque "cette fin des Temps modernes, un été de 1945, à Berlin..." chère à Dominique de Roux ; le passage sur le rock et la jeunesse, bien que fondamentalement vrai, peut inviter à quelques nuances... Une autre fois peut-être, il s'agissait ce dimanche matin de recharger un peu les batteries. (- Avant Dieu seul sait quoi.)

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jeudi 14 janvier 2010

Les chiens aboient... (Nigger of the day, V)

Oui, je voulais vous faire faire un petit voyage à travers les interprétations du Caravan de Duke Ellington, comparable à nos pérégrinations diverses sur le "A" train, mais finalement cette version s'impose trop par rapport aux autres pour que je ne laisse pas s'exprimer seule :





Bises à tous !

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mercredi 13 janvier 2010

Place de l'Étoile.

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"Y a-t-il cinéaste au monde plus libre que lui ?", écrivait (je cite de mémoire), dans le livre qu'il lui a consacré, Pascal Bonitzer au sujet de Rohmer. C'est me semble-t-il ce qui nous manquera finalement le plus après le décès de celui-ci. On s'afflige d'ordinaire des destins tragiques : ici, nous serions plutôt attristés du fait de l'incroyable réussite de cet itinéraire d'abord quelque peu laborieux - bien que grand critique, ou parce que grand critique, c'est lui qui reste à garder la maison Cahiers du cinéma à la fin des années 50, pendant que les autres s'éclatent à Cannes et enchaînent films et gonzesses -, voire presque incertain (Le signe du Lion), puis de plus en plus maîtrisé, sans jamais que cette maîtrise soit au service de la complaisance de l'auteur. C'est doublement vertigineux :


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non seulement à partir d'un certain moment (vers la fin des années 70 je pense, avec le génial La femme de l'aviateur), Rohmer a pu tourner à peu près ce qu'il a voulu, non seulement il n'a tourné - à chacun ses préférences - à peu près que de bons ou d'excellents films, mais il s'est renouvelé en permanence, il a toujours surpris.


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D'où d'ailleurs que l'on ne puisse dissocier chez lui les deux versants de son oeuvre, le versant proprement « rohmérien » (les Contes moraux, les Comédies et proverbes), et les oeuvres que l'on considère d'ordinaire à part (de La marquise d'O, qui me le fit comprendre et aimer, à Triple agent en passant par L'arbre, le maire et la médiathèque et L'anglaise et le duc - mises bout à bout, elles finissent par former un imposant corpus) : Rohmer est justement parvenu à surprendre aussi bien dans la variation mineure d'un film à l'autre qu'en s'attaquant à des projets où personne ne l'attendait (un peu comme Hawks, finalement : toujours le même film, avec de subtiles modifications, et puis de temps en temps un film complètement différent - et parfois plus même que les autres).

Évidemment, pour cela il y avait un prix à payer, et en l'occurrence, selon Godard, ce sont les acteurs qui le payaient, puisque Rohmer semble-t-il ne les défrayait que très modérément. Le fait que beaucoup d'entre eux ont tourné plusieurs fois pour lui semble prouver qu'ils y trouvaient tout de même leur compte.

Quoi qu'il en soit, ce n'est pas un hasard si celui que l'on peut donc considérer comme un des cinéastes les plus libres de l'histoire du cinéma, aussi bien d'un point de vue artistique que d'un point de vue financier, nous propose une oeuvre dont les apories et paradoxes de la liberté sont parmi les thèmes les plus importants.


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Comme Bunuel, dont il est si proche, bien qu'à ma connaissance il ne lui vouât pas de goût particulier, comme le meilleur Renoir, qui fut au contraire un de ses maîtres, Rohmer en sut assez long sur les imprévisibles chemins de la liberté pour y retrouver toujours sa voie. Et nous y emmener avec lui ! N'oublions pas que tout ce que j'écris ici ne vaut que parce que notre homme rencontra le succès, que parce que ses films sont d'accès aisé, faciles à voir et à revoir : je n'ai rien contre un cinéaste comme Luc Moullet, il s'en faut, mais la reconnaissance publique à laquelle accéda Rohmer, non seulement lui permit de continuer à travailler, mais fait partie de la grandeur de son oeuvre.


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Et c'est donc, au bout du compte, ce qui nous manquera le plus du fait de sa disparition : plus personne dans le cinéma n'incarne une possibilité d'un tel accomplissement personnel et artistique. Un vieux catholique un peu réac prouvait qu'on peut le faire, qu'il n'y avait pas de fatalité à l'invasion de l'anticonformisme banal, version artiste maudit ou version pro-américaine, d'ailleurs non antithétiques (je vous laisse mettre les noms). Voilà : jusqu'à nouvel ordre, de cette possibilité de réussite au sein du marasme, il n'y a plus de preuve vivante.


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lundi 11 janvier 2010

Vivre libre - et mourir.

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Cela fait longtemps que je vis avec ce sentiment un peu idiot que, de même que, selon l'aveu de Godard, la célébration de Truffaut par « la grande famille [d'enculés] du cinéma français » avait permis à ses copains ou ex-copains de la Nouvelle Vague de vivre leur vie à peu près tranquillement, sa mort précoce les avait en quelque sorte protégés ; et qu'en revanche, dès que l'un des survivants y passerait, les autres enchaîneraient rapidement - l'histoire du cinéma français s'achevant alors avec eux.

Ce sentiment ne saurait prétendre à l'intelligence. Mais il ne rend pas plus facile à avaler le décès d'Éric Rohmer - même s'il avait bientôt 90 ans, et en lui une vie d'artiste pour le moins enviable. - Les hommages vont bientôt dégueuler, le mieux comme d'habitude est de les éviter et de revoir les films. Tout de même, cet homme a réussi à faire bien jouer Arielle Dombasle !


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Au passage, j'ai d'abord détesté Rohmer (Conte de printemps) avant de m'y convertir - peut-être cela doit-il figurer dans un texte, même laconique, consacré à un cinéaste catholique.

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lundi 4 janvier 2010

Train spécial pour la catastrophe (Nigger of the day, IV).

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Non, je plaisante... quoique ce film, ou son existence - je ne l'ai pas vu -, continue à me laisser sans voix.

Allez, un peu de jazz dans ce monde de brutes, en couleurs s'il vous plaît :





L'auteur de classique-s'il-en-fut est l'admirable petite tapette à laquelle le Duke rend ici hommage (et qui se rend très bien hommage tout seul) :





Ici, un petit détour par une version plus atypique peut s'avérer... complètement et délicieusement inutile :





Et comme, à part pour aller à Auschwitz (Hitler n'a pas seulement déshonoré l'antisémitisme, comme disait Bernanos, il a aussi désacralisé les trains...), il n'y a rien de mieux qu'un voyage en train, continuons dans la joie et la bonne humeur :





Pour finir, rendons la parole au maître, au seigneur, à l'aristocrate, au Chaplin du jazz (encore une réminiscence hitlérienne, via le Dictateur ?) :





Bon voyage ! Meilleurs voeux !


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Et tant pis si nous n'avons plus de conducteur...

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